Le Maréchal Berthier
autres. Alors que chacun des chefs de corps s'attendait à recevoir des félicitations, Berthier les fustigeait et leur faisait remarquer que ce qu'ils venaient d'accomplir n'avait rien que de très ordinaire.
Après le 6 novembre, le travail de l'état-major fut encore rendu plus difficile. Alors que, jusqu'à présent, les différents corps d'armée avaient avancé plus ou moins de front, à présent il n'y avait plus qu'une route le long du Danube que les unités empruntèrent à la queue leu leu. Ce qui compliqua le travail.
Le 14 novembre, après que Murat se fut emparé par ruse du seul pont encore intact sur le Danube devant Vienne, l'armée française entra dans la ville. Berthier signala ce fait par un ordre du jour à l'armée. Il le concluait, non sans une certaine naïveté en écrivant : « Le peuple de Vienne a paru voir l'armée avec amitié ! »
Beaucoup d'officiers, et non des moindres, s'imaginaient qu'avec l'occupation de Vienne, ce conflit prendrait fin. Une note de l'état-major se dépêcha de les détromper. Les Autrichiens comptaient à présent sur l'appui des Russes qui n'étaient pas encore intervenus et que précédait une réputation d'invincibilité quelque peu usurpée. Il fallait donc poursuivre les débris des forces autrichiennes qui s'étaient joints à leurs alliés et empêcher cet ensemble de faire sa jonction avec l'armée d'Italie qui talonnée par Masséna essayait de remonter au nord.
La manoeuvre qui aboutit à la bataille d'Austerlitz est trop connue pour qu'on la décrive en détail. Dans cette dernière partie de la campagne, le rôle de l'état-major général fut réduit à n'être que l'organe de transmission des ordres de Napoléon. Une anecdote montre à quel point Berthier pouvait n'avoir que peu de contacts avec ses camarades les autres maréchaux et vivre véritablement dans l'ombre de l'empereur. Le fait se produisit le 28 novembre, dans le petit village de Posoritz, exactement dans la maison de poste où tous les chefs de corps, sauf Davout qui était encore aux environs de Vienne, étaient réunis et discutaient de l'opportunité d'une retraite vers un terrain plus favorable. Arriva Napoléon qui désirait consulter pour la forme ses maréchaux, car sa décision de faire reculer toute son armée était déjà prise. Au cours de la délibération, une altercation éclata entre Soult et Lannes, ce dernier traitant son camarade de jean-foutre . Ce ne fut que lorsque cette petite scène fut terminée que l'empereur fit appeler Berthier qui n'avait donc pas assisté au conseil pour lui donner ses instructions. On voit à quel point la position du major général pouvait paraître ambiguë. Nul ne semblait plus proche de l'empereur que lui et en même temps Napoléon estimait inutile sa présence lorsqu'il convoquait ses maréchaux pour leur demander (ou faire semblant) leur avis. Berthier souffrait certainement de pas être mis sur le même plan que ses camarades même s'il jouissait d'une sorte de prééminence par rapport à eux. De là, une certaine froideur, un manque de cordialité dans leurs rapports qui perdura tout au long des guerres napoléoniennes. Un seul parmi les maréchaux pouvait se vanter alors d'être son ami et encore finirent-ils par se brouiller. C'était celui qui avait le plus mauvais caractère : Davout.
La veille de la bataille, Napoléon, qui peaufinait son dispositif, fit répéter aux diverses unités les ordres qu'elles avaient déjà reçus et l'état-major chargé des transmissions fut particulièrement actif. Pendant toute la période qui précéda la bataille et durant celle-ci, il demeura à Brünn un peu en arrière de l'armée et cette immobilité lui permit de travailler avec un maximum d'efficacité.
Dès que la défaite des alliés eut été consommée et alors que les troupes se laissaient aller à la joie de la victoire, Berthier se remit au travail pour organiser la poursuite de l'adversaire. En même temps, il prenait ses dispositions pour diriger sur Vienne les nombreux prisonniers. Ce fut encore lui qui fut chargé par Napoléon (mais il en avait l'habitude) de rédiger avec le prince de Liechtenstein la convention d'armistice lorsque ce plénipotentiaire vint le solliciter.
Durant la brève période qui sépara l'armistice de la paix de Presbourg (26 décembre), l'attention de Berthier ne se relâcha pas. Pas plus lui que Napoléon ne croyait à la bonne foi des Autrichiens et ils craignaient que l'adversaire ne
Weitere Kostenlose Bücher