Le Maréchal Berthier
Autriche, son ravitaillement assuré par les populations locales. C'était là une lourde charge. Or, comme l'évacuation était retardée, l'armée continuait à réquisitionner des vivres, d'où un vif mécontentement de la population et des protestations des autorités autrichiennes. Mais l'Autriche elle-même montrait de la réticence à retirer ses troupes et son administration des territoires qu'elle avait perdus. Elle alla jusqu'à imaginer de céder à la Russie les bouches de Cattaro, en Illyrie, pour ne pas les abandonner à la France, et Berthier dut se fâcher pour mettre un terme à ce tour de passe-passe. À la fin de janvier 1806, l'Autriche était évacuée et le quartier général transféré momentanément à Linz. À ce moment, Berthier et les autres maréchaux croyaient encore qu'ils allaient rentrer en France. Leurs illusions furent de courte durée. De nombreuses questions restaient en suspens. Les soldes de plusieurs corps étaient impayées ou alors les avances perçues apparaissaient comme dérisoires ; du coup un certain nombre de généraux trouvèrent plus simple de se servir tant pour eux-mêmes que pour leur entourage. Ils taxèrent les municipalités des villes où ils cantonnaient. De tels procédés risquaient d'amener des révoltes dans les populations et Berthier dut sévir. Il obligea les coupables à restituer le fruit de leurs rapines, non pas à ceux qui les avaient versées mais dans les caisses du receveur général de l'armée. Ces prélèvements forcés, ces réquisitions incessantes finirent par exaspérer les populations allemandes qui voyaient ces régiments français s'installer sur place pour ce qui semblait devoir être une longue période. Pourtant, Napoléon dans un premier temps avait prévu de ramener toutes ses troupes au-delà du Rhin. C'était le comportement de l'Autriche, puis celui de la Prusse, qui l'avait amené à maintenir la Grande Armée en Allemagne. Elle y était cantonnée en un vaste arc de cercle allant du Rhin au Danube.
Les milieux activistes allemands pangermanistes s'activèrent devant ce qu'ils considéraient comme une occupation injustifiée et s'agitèrent. Tracts et libelles fleurirent appelant à la résistance contre les Français. Il y eut même quelques attentats menés par des sociétés secrètes. Heureusement, la police militaire française connaissait son métier et ses adversaires n'étaient que des amateurs qui négligeaient les plus élémentaires précautions de sécurité. Un grand nombre fut arrêté et les tribunaux militaires, peu enclins à la clémence, condamnèrent presque tous les prévenus à mort. Berthier, dans la circonstance, put se montrer habile politique. Il n'en fit exécuter que trois et demanda à l'empereur la grâce des autres avec de solides arguments à l'appui. Napoléon, qui, dans des cas semblables, ne laissait pas éclater sa mansuétude, se rendit aux arguments du major général, écrivant au bas de la lettre de requête : « Je trouve que la grâce qu'il demande est très à propos. »
Une autre des tâches qui attendaient Berthier était le rééquipement en matériel de toutes sortes de la plus grosse partie de l'armée. Ainsi, le corps de Davout n'avait plus de chaussures ; les siennes étaient à bout et les hommes risquaient de rentrer pieds nus en France. Un autre manquait de capotes, un troisième de munitions, etc. Et puis, bien entendu, il fallait reconstituer les effectifs. Tant au combat que par maladies ou par désertions ils avaient fondu. L'état-major avait pensé que le prélèvement se ferait automatiquement dans les dépôts au retour en France, mais puisque l'armée demeurait en Allemagne, il fallut faire venir les conscrits. Berthier fut également contraint de demander à ses alliés bavarois qui ne se montraient pas toujours très coopératifs de lui céder un millier de chevaux d'artillerie.
À la fin de janvier, Berthier venant de Linz arriva à Munich où le roi lui réserva un chaleureux accueil. Napoléon aurait souhaité qu'il y installât le quartier général et le roi de Bavière s'en montrait enchanté. Mais les fêtes et réceptions incessantes nuiraient, estima le maréchal, à la qualité du travail. Aussi, dès les premiers jours de février, annonça-t-il son intention de s'installer à Augsbourg au centre du dispositif français avec tous ses services. Ce fut de là que le major général se rappelant sa formation première fit exécuter entre avril et mai
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