Le Maréchal Berthier
singulière témérité face aux armées napoléoniennes. Bientôt, le corps de 5 000 hommes, débarqué à Gibraltar au printemps précédent, eut ordre de le rejoindre et, peu après, il allait être renforcé par les 14 000 soldats de Sir John Moore, rapatriés de Suède. C'étaient donc 30 000 Anglais, appuyés par 300 000 Portugais de faible valeur militaire, qu'allait devoir affronter Junot.
Prévenu très tôt du débarquement britannique à l'embouchure du Mondégo, non loin de Coïmbra, le général français aurait eu largement le temps de se replier sur l'Espagne en remontant la vallée du Tage. Mais jusqu'au 15 août, date à laquelle le faible détachement du général de Laborde envoyé en reconnaissance se heurta à une force anglaise quatre ou cinq fois plus nombreuse et se replia, il ne bougea pas. À ce moment, Junot décida de marcher contre ses adversaires. Il n'avait plus que 9 000 combattants valides à opposer à plus de 20 000. Battu à Vimeiro, il perdit la tête et demanda une suspension d'armes, prélude à une capitulation. Cette requête stupéfia tellement le commandant en chef anglais, le général Darlymple, que ce dernier crut d'abord à une ruse de guerre et accéda à toutes les demandes de Kellermann fils, l'envoyé de Junot ! L'armée française de Portugal, y compris les détachements assiégés par les Portugais dans différentes places, serait et fut rapatriée en France par les bons soins de la marine anglaise, au début de septembre.
Il fallut attendre presque quatre ans pour que les deux affaires de capitulations arrivent à leur terme. Et là éclate tout l'arbitraire du comportement de Napoléon. Car, alors que le malheureux Dupont, jeté en prison depuis son retour en France (21 septembre 1808), allait, en 1812, être traduit devant une commission d'enquête pour des erreurs dont le principal fautif était Napoléon, Junot, parce qu'il était un ami proche de l'empereur, s'en tira avec de légères remontrances.
Depuis son retour à Paris à la fin d'août, Napoléon, tout en préparant sa prochaine entrevue avec le tsar, avait repris sa vie ordinaire et, en tant que grand veneur, Berthier fut prié d'organiser au début de septembre une chasse à Fontainebleau. Y fut convié, entre autres, Masséna qui était, comme son camarade, un excellent fusil. Au cours d'un tiré au faisan, dans des circonstances qui ne furent jamais éclaircies, Napoléon, médiocre tireur se souciant peu des règles de sécurité, lâcha un coup de fusil en direction de Masséna. Celui-ci, couvert de petits plombs, en reçut un dans l'oeil. Sur le moment, tout le monde le crut crevé. Seule, la présence fort opportune de Corvisart permit de le sauver. Interrogé sur la personne qui l'avait blessé, Masséna, sans hésiter, désigna Berthier qu'il détestait. Le grand veneur se trouvait au moment de l'accident, protocole oblige, aux côtés de l'empereur. Si Masséna avait laissé éclater sa vindicte, il s'était également comporté en bon courtisan. De son côté, Berthier, qui connaissait comme tout le monde le coupable, endossa sans piper la responsabilité de la maladresse, se montrant aussi bon courtisan que le duc de Rivoli. Napoléon, au fond pas très fier de lui, lui en sut gré.
Quelques jours plus tard, il partait pour Erfurt rencontrer le tsar Alexandre. À son corps défendant, Berthier l'accompagna. Il savait qu'il y serait un simple spectateur et fût volontiers demeuré à Paris, car la réorganisation de l'armée d'Espagne allait nécessiter au sein de l'état-major du personnel supplémentaire. Cette armée était désormais forte de 6 corps d'armée : le 1 er sous Victor, le 2 e sous Bessières, le 3 e sous Moncey, le 4 e sous Lefebvre, le 5 e sous Gouvion-Saint-Cyr et le 6 e sous Ney ; la garde servirait de réserve générale. En principe son major général était Jourdan qui remplissait ces fonctions auprès du roi Joseph. Donc toute la correspondance de Berthier avec les chefs de corps devait transiter par les services de Jourdan, ce qui ralentissait la transmission. Aussi arriva-t-il souvent que Berthier le court-circuitât, contrairement aux volontés de Napoléon. Il allait en résulter toute une série de froissements et de conflits qui ne facilitèrent pas la direction des opérations.
À son retour d'Erfurt où il avait tout de même trouvé le temps d'aller saluer ses beaux-parents, Berthier ne demeura que deux jours à Paris. Arrivé le 19 octobre, il en
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