Le Maréchal Berthier
générale le devoir d'un officier était de se rendre à son poste. « La moindre négligence à cet égard, précisait-il, est un crime militaire… » Les jeunes officiers qui se le tinrent pour dit furent d'autant plus choqués qu'ils s'étaient attendus à recevoir des félicitations.
Comme les Autrichiens remplissaient leurs obligations sans qu'il y eût lieu à la moindre récrimination, la présence de Berthier devenait chaque jour moins indispensable. Les corps d'armée français allaient regagner leurs cantonnements sur les terres de la Confédération du Rhin et seraient tous placés sous le commandement de Davout. Le 28 novembre, Berthier prévint les chefs de corps qu'il cesserait ses fonctions le 1 er décembre et que l'état-major général l'accompagnerait à son retour en France. Il abandonnerait les affaires d'Allemagne pour se consacrer à celles d'Espagne. Ainsi en avait décidé Napoléon. Berthier accueillit la nouvelle avec un manque certain d'enthousiasme. D'abord, il existait un major général de l'armée d'Espagne très compétent mais de caractère difficile : Soult. Et puis Berthier voyait mal quel rôle pourrait jouer son propre état-major en demeurant à Paris si loin du théâtre des opérations. Déjà l'empereur lui avait demandé un rapport sur la formation d'un corps de réserve pour l'armée d'Espagne fort de 100 000 hommes. Le prince de Wagram, peu soucieux de dégarnir l'armée d'Allemagne et connaissant le handicap que représentaient les formations de conscrits outre-Pyrénées, se demandait où il pourrait bien les trouver. Il demanda donc après réflexion des contingents assez importants à tous les souverains de la Confédération du Rhin et à la Hollande. Tous durent s'exécuter, mais plus d'un d'entre eux commença à trouver la protection de la France plutôt pesante et se demanda si là était vraiment l'intérêt de son État. Certains d'entre eux ne cachèrent pas leurs opinions à Berthier qui s'efforça de les ramener à des sentiments plus amicaux en leur affirmant que la prochaine victoire de la France en Espagne les libérerait de cette servitude.
Napoléon l'accueillit en lui reprochant de ne pas assez s'occuper des affaires d'Espagne. La mercuriale était d'autant moins méritée que l'empereur lui-même éprouvait de plus en plus de répugnance à se pencher sur cette question. Dans les mois qui suivirent, il annonça à plusieurs reprises son intention de se rendre sur place pour régler définitivement les problèmes et prévint Berthier de se tenir prêt à l'accompagner. Jamais il ne mit son projet à exécution, se raccrochant à des questions d'importance secondaire pour trouver des motifs à différer son départ.
En même temps qu'il s'attelait à l'hypothétique préparation d'un voyage de l'empereur en Espagne, où la présence de deux états-majors compliquerait, estimait-il, singulièrement les problèmes, Berthier commençait à mettre sur pied un plan d'invasion du Portugal pour en chasser l'armée anglaise accrochée au flanc de l'édifice impérial.
L'année 1809, si elle avait été frustrante pour Napoléon, s'était révélée extrêmement pénible pour Berthier. Âgé à présent de cinquante-six ans avec près de vingt ans de campagnes derrière lui, il se sentait par moments fatigué, usé. Pourtant, il continuait à assumer sa tâche, et Napoléon qui souvent ne voulait pas voir les choses en face ne le ménageait guère. Plus d'une fois il aspira au repos mais se savait irremplaçable auprès de l'empereur qui ne voulait pas entrer dans les détails d'exécution. Aussi le maréchal continuait-il à piloter la marche de l'immense machine qu'était l'armée.
XI
TOUJOURS SUR LA BRÈCHE
(1810-1812) En 1810 et 1811, Berthier allait avoir le plaisir de vivre presque deux années consécutives à Paris. Et, en septembre 1810, sa femme mit au monde leur premier enfant, son seul fils. Ils eurent amplement le loisir de mener une vie mondaine que tous deux appréciaient. Et il eut également le temps de se livrer à son délassement favori : la chasse aussi bien à courre qu'à tir. Les siennes se déroulaient à Grosbois. Mais, en tant que grand veneur, il se devait d'organiser celles de Napoléon à Saint-Cloud ou à Fontainebleau. Comme il n'avait guère le temps, il laissait ce soin à son aide de camp, Alexandre de Girardin, qui faisait fonction de capitaine des chasses et était parfaitement compétent. Et puis, voir l'empereur
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