Le Maréchal Jourdan
systématiquement servir de second à son ami jusqu’au jour ou il le remplacerait. Sa
carrière militaire fut assez ordinaire. Général de brigade en 1793, il l’était
toujours en 1814, lorsqu’il était gouverneur de l’île d’Elbe.
Mais il ne s’entendit pas avec Napoléon, qui l’avait laissé de côté sous
l’Empire, et il rentra rapidement en France. Aussi, Louis XVIII le
promut-il lieutenant général. Il eut la sagesse de se matitenir à l’écart pendant
les Cent-Jours et, rappelé par Jourdan lorsque celui-ci devtit gouverneur des Invalides en
1830, il y demeura jusqu’en 1832 où il mourut du choléra.
Pour Jourdan, c’était un précieux auxiliaire. Néanmoins, le
mercier allait être confronté à un problème fort épineux. Accepter de participer à la mise sur
pied des deux bataillons, ce qui devait être accompli assez rapidement, impliquait un emploi à
plein-temps. Il lui fallait donc abandonner son comptoir. Pour combien de temps, il
n’aurait su le dire. Certes, il pouvait se faire remplacer par sa femme, sachant que
cette dernière, le cas échéant, pourrait solliciter aide et conseils dans sa famille. Ce
n’en était pas moins faire un saut dans l’inconnu, sans compter que
s’il échouait dans sa mission, il en porterait la responsabilité. Il possédait
néanmoins un certain nombre d’atouts dans son jeu.
D’abord, il avait une bonne connaissance des bases de la formation du soldat et,
depuis un an qu’il était officier, s’était un peu perfectionné. Et puis,
il était soutenu et même mis en avant par ses amis politiques, les Jacobins. Dans une période
où chacun était facilement soupçonné de tiédeur voire de royalisme, ses idées franchement
progressistes le classaient « politiquement correct », et s’il
commettait quelque erreur, on fermerait les yeux. Lui qui, d’ordinaire,
réfléchissait avant de prendre une décision ne dut pas méditer longtemps. Il avait gardé un bon
souvenir de son passage dans l’armée, et c’était une occasion inespérée
de rompre avec la monotonie de sa vie présente quels qu’en fussent les
avantages.
La tâche qui attendait les trois commissaires était immense : le recrutement
d’abord. Cette fois il n’était pas question de sélectionner les engagés
en fonction de leur rang social. Tout volontaire était accepté, l’importance des
effectifs primant sur toute autre considération. Un chômage endémique, conséquence de la crise
économique du moment, facilita cette partie de leur travail. Néanmoins, malgré tous leurs
efforts, ils ne parvinrent à réunir à la fin d’octobre que mille cent vingt-cinq
engagés au lieu des mille cent cinquante prévus. L’année suivante, le volontariat se
révéla insuffisant et deux ans plus tard, nécessité faisant loi, la Convention devait décréter
la levée en masse qui n’était ni plus ni moins que le service militaire obligatoire.
Ce sera Jourdan qui en assurera, en 1798, la codification.
Très rapidement, les trois commissaires se rendirent compte qu’il leur serait
impossible, faute de moyens matériels, d’assurer l’habillement de leurs
hommes, et ceux-ci continuèrent longtemps à servir dans leurs habits civils. Ce problème des
uniformes sera un mal endémique des armées de la Révolution et de l’Empire, et les
soldats, à quelques exceptions près, seront souvent vêtus de tenues prises dans les magasins de
l’ennemi. On ne trouvera des troupiers habillés de façon identique que dans les
régiments de soldats de plomb ! Par contre, les commissaires réussirent à se
procurer un armement à peu près complet et chaque volontaire put recevoir un fusil, une
baïonnette, un sabre-briquet, une giberne et des cartouches. Cela leur permit
d’apprendre le maniement et de procéder à quelques écoles à feu.
Pour le reste, les deux bataillons ressemblaient davantage à une cohue qu’à des
unités régulières et, quoiqu’ils aient été rapidement aidés par des officiers qui
étaient assez compétents, ayant souvent servi dans l’ancienne armée à des postes
subalternes, les commissaires eurent beaucoup de mal à faire comprendre aux volontaires que le
temps des palabres et des discussions était terminé. Ils lui substituèrent une discipline assez
stricte.
Jourdan s’était réservé le commandement d’une des neuf compagnies du
second
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