Le Maréchal Jourdan
faiblesses et voulait par-dessus tout éviter de donner lieu à des critiques voire à des
railleries de la part des autres adhérents. Il eut tout de même à de nombreuses reprises
l’occasion de s’exprimer et l’orthodoxie de sa pensée le fit
cataloguer parmi les plus convaincus, ce qui allait se révéler fort utile pour lui dans les
années suivantes.
*
L’occasion de se mettre en vedette allait bientôt lui être donnée dans un domaine
tout à fait différent. En 1790, devant l’insécurité grandissante tant dans les
villes que dans les campagnes, le gouvernement décida de créer une milice bourgeoise nommée
« garde nationale », composée de citoyens payant impôts et destinée à
renforcer la gendarmerie. En fait, les missions qui lui furent assignées étaient multiples.
Dotée de pouvoirs de police, elle était appelée à matitenir l’ordre et réprimer les
émeutes en n’importe quel potit de plusieurs départements, ce qui ne faisait
nullement l’affaire de la majorité des gardes nationaux, bourgeois rassis, peu
enclins à s’éloigner de leur famille et de leur domicile. Ainsi,
l’assemblée présenta le fait d’être « garde
national » comme un honneur, alors que la plupart des titéressés le prirent comme
une corvée. Par la suite, surtout au moment des revers de l’Empire, Napoléon fit
appel à elle, la considérant comme une armée de réserve. Mais si elle accomplit à peu près
correctement le service des places, elle devait se montrer en dessous du médiocre sur les
champs de bataille, la plupart des gardes s’enfuyant comme des lapins au premier
coup de canon.
En 1790, on n’en était pas là ! Il fallait constituer ces unités dans
un cadre militaire à partir de zéro. À Limoges, elle eut tout de suite un chef compétent,
Faulte de Vanteaux, gentilhomme qui avait fait carrière dans l’armée. Parfaitement
conscient des difficultés qui l’attendaient, il chercha à s’entourer de
cadres ayant au moins une vague idée de ce qui les attendait.
La garde comprenait plusieurs compagnies : une de grenadiers caractérisée par son
bonnet à poil qui se recruta dans les familles les plus aisées et deux ou trois de chasseurs où
furent incorporés des hommes issus des classes moyennes. Le commandant de la garde joua un rôle
prépondérant dans le choix de ses officiers. Jourdan, affecté aux chasseurs, fort de ses cinq
années de campagnes et de ses galons de sous-officier, avait des connaissances très supérieures
à celles de ses camarades, et ce fut donc presque normalement qu’il fut promu
capitaine de sa compagnie. Sa tâche n’était pas mince. Il devait, à partir de rien,
en faire quelque chose de cohérent, la vêtir, l’armer et lui inculquer les rudiments
de la discipline militaire, alors que précisément les gardes nationaux auraient eu tendance à
vouloir discuter de tout et faire connaître leur opinion, souvent contradictoire, sur ce qui
leur était commandé. Avec cela, le loyalisme de la garde nationale vis-à-vis du roi était
total. Les opinions politiques les plus avancées, encore toutes neuves, de Jourdan ne jouèrent
donc aucun rôle dans la manière dont il commanda sa compagnie. Très vite apparut son sens de
l’organisation et du commandement, au potit qu’il fut donné en exemple.
Mais cette occupation qui prenait une partie non négligeable de son temps ne
l’empêchait pas de se consacrer, pour le reste, à la gestion de sa mercerie.
La garde nationale de Limoges, surtout employée à des parades, ce qui convenait parfaitement
à ses membres, se fit davantage remarquer par sa manière de défiler et de présenter les armes
dans les cérémonies religieuses encore très nombreuses, que par l’efficacité de ses
titerventions sur le terrain, au demeurant fort limitées. Mais, malgré ce caractère purement
représentatif, ses officiers, jusqu’alors peu connus, commencèrent à émerger de la
masse. Ce fut bien entendu le cas de Jourdan. Il acquit une manière de considération. Mais si
son passage dans la garde nationale ne lui permit pas de se faire particulièrement remarquer
par des actions d’éclat, il allait lui servir de tremplin pour le démarrage
d’une nouvelle carrière militaire, cette fois à plein-temps.
*
En 1789, l’armée française avait, à juste titre, la réputation d’être
la meilleure d’Europe. Ses
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