Le Maréchal Jourdan
faire appel suivant les besoins. Léger en temps de paix, le
système devenait d’une lourdeur insupportable en cas de conflit. Corollaire, les
officiers se recruteraient non plus en fonction de leur rang social mais en passant par des
écoles militaires spécialisées ou alors au mérite. Évidemment, la loi admettait
qu’il y aurait des exceptions liées surtout à des inaptitudes physiques ;
mais elle ne pouvait prévoir que dans les années à venir on assisterait à des mutilations
volontaires pour échapper à cette obligation.
Le texte fut adopté presque sans discussion malgré les innovations
qu’il apportait, car il résolvait de manière brillante et définitive le problème du
recrutement. Si, dans les décennies qui suivirent, il subit certaines modifications, il demeura
en application, même sous Louis XVIII, pourtant partisan de la paix. En fait, ce fut
seulement au xxi e siècle, sous la présidence de Jacques Chirac,
que l’on mit un terme à ce système de recrutement avec toutes ses variantes, car
l’armée était devenue trop technique pour faire appel à n’importe quel
citoyen.
Si le gouvernement à l’époque se montra fort satisfait de cette mouture qui fut
bientôt appelée « loi Jourdan », il n’en fut pas de même pour
l’ensemble de la population. L’enthousiasme qui avait présidé au départ
des volontaires en 1792-1793 était bien étetit, surtout depuis que l’on connaissait
les hécatombes qu’avaient entraînées les batailles de la première coalition. Bon
nombre de citoyens cherchèrent à échapper à cette obligation par tous les moyens. Ceux-ci
allèrent de la mutilation volontaire, comme par exemple l’arrachage des dents pour
se trouver dans l’impossibilité de déchirer les cartouches, à la rébellion ouverte.
Il se forma un peu partout, mais surtout dans les régions montagneuses, de véritables bandes de
réfractaires qui n’hésitaient pas à faire le coup de feu contre les gendarmes lancés
à leur poursuite. Certaines chansons populaires, comme « la Complatite du pauvre
conscrit » qui était titerdite dans les casernes, traduisirent à merveille cet état
d’esprit, et la détestation du service militaire obligatoire sera pour quelque chose
dans la chute de Napoléon. On n’en était pas là ! Mais, prudent dès le
départ, le Directoire exempta de ce devoir les départements de l’ouest où avait sévi
la chouannerie dont la cause principale avait été le refus de subir la levée en masse. Il agit
de même avec la Belgique, rattachée depuis peu à la France et dont les habitants se montrèrent
réticents à cette obligation avec une belle unanimité.
*
Jourdan, qui avait été réélu sans problème président du Conseil des Cinq-Cents, le
23 septembre 1798, démissionna très peu de temps après. Le Directoire était en train
de mettre sur pied plusieurs armées pour faire face à la nouvelle coalition. Quels
qu’aient été les sentiments de Barras à son égard, il décida de confier
l’une d’entre elles, celle de Mayence, à Jourdan.
Outre le fait qu’il était tenté par le poste et (ce qui avait une certaine
importance aux yeux de Jourdan) qu’il n’y avait aucune comparaison entre
une solde de général en chef et les indemnités parlementaires d’un président
d’assemblée, il était poussé à accepter par ses amis politiques, qui escomptaient
tirer un avantage des victoires qu’il ne pourrait manquer de remporter. Phénomène
étonnant, il y était également incité par ses adversaires, en particulier Barras
– peut-être continuait-il à le trouver un peu trop
jacobin –, qui, de plus, estimait que, comme président des Cinq-Cents, il
faisait un peu trop parler de lui.
Puisqu’il était sollicité à ce potit et quels que fussent ses désirs personnels,
Jourdan posa ses conditions. Tout d’abord, habitué qu’il était à
travailler avec lui, il demanda Ernouf comme chef d’état-major, car c’en
était un excellent et Jourdan n’aimait pas avoir affaire à des têtes nouvelles.
Depuis septembre 1797, ce dernier était directeur du dépôt de la guerre au ministère,
une voie de garage après qu’il eut pris un congé pour raison de santé. Le mettre à
la disposition de Jourdan ne posait donc aucun problème. Le nouveau général en chef, à qui
l’on n’avait pas caché au ministère de la
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