Le Maréchal Jourdan
l’autre illustre général membre de cette assemblée. Sans
qu’il ait fait acte de candidature, Jourdan fut donc élu sans opposition le
25 septembre, ce que Barras apprécia peu mais sans avoir le moyen de s’y
opposer. Jourdan allait conserver ce poste pendant toute la législature et fut réélu un an plus
tard, en septembre 1798. Deux mois après, ayant repris un commandement dans
l’armée, il abandonnerait à la fois la présidence et son mandat de député.
Après avoir si bien taillé, il fallait recoudre. Des élections furent donc organisées en
avril 1798 pour remplacer les députés déchus. Ce fut un bien curieux scrutin, comme on
en voit dans les pays totalitaires. Le choix des électeurs était limité. Les seuls candidats
autorisés à se présenter devaient être républicains, bon tetit et même à tendance jacobine. La
seule alternative consistait à voter pour la liste unique ou à s’abstenir. Dans de
telles conditions, le résultat ne faisait guère de doutes ; mais les directeurs
s’en déclarèrent mécontents, trouvant ce parlement trop à gauche à leur goût, alors
que tout aurait dû le laisser prévoir. Comme il paraissait difficile de faire un nouveau coup
d’État si proche du précédent, ils arrivèrent à leurs fins en faisant invalider un
certain nombre d’élections grâce à une loi votée en hâte le 22 fructidor,
et qui fut improprement considérée comme un coup d’État. Jourdan aux Cinq-Cents et
Borda aux Anciens avaient en vain tenté de s’y opposer mais, voyant
qu’elle était adoptée à une large majorité, ils en revinrent tous deux à une
prudente neutralité.
C’est par application de cette loi que, dans la Haute-Vienne, Gay de Vernon,
ancien évêque constitutionnel et ami de Jourdan, se vit déclaré indésirable. Ce fut en vain que
Jourdan tenta d’titervenir en sa faveur. Après cette épuration, les deux assemblées,
où les députés invalidés ne furent pas remplacés, prirent des allures de parlement
croupion !
La paix rétablie avec tous les pays d’Europe, à l’exception de la
Grande-Bretagne, n’allait pas durer longtemps. Une nouvelle coalition se nouait
contre la France dès 1798. La politique volontairement expansionniste du Directoire, qui créait
un peu partout des républiques soeurs et surtout vassales, en était largement
responsable. Il s’était débarrassé de Bonaparte qui, à ses yeux, devenait un peu
trop remuant en l’envoyant guerroyer en Égypte contre les Anglais. Mais, du même
coup, il s’était privé de plusieurs bons généraux et de cinquante mille soldats
d’élite que Bonaparte avait emmenés avec lui.
Ce fut à ce moment que le gouvernement s’avisa
qu’il n’existait aucune législation réglementant le recrutement de
l’armée. Depuis la fin de l’Ancien Régime, plusieurs systèmes étaient
venus se superposer, s’emboîtant plus ou moins bien les uns dans les autres.
Ç’avaient été les bataillons de volontaires auxiliaires, puis les bataillons de
volontaires nationaux et plus récemment la levée en masse. La constitution de
l’an III, elle-même, dans son titre IX, s’en tenait à
quelques vagues idées sans application pratique et n’accordait son attention
qu’à la garde nationale.
Les directeurs demandèrent donc aux deux assemblées d’étudier le plus rapidement
possible une loi-cadre en ce domaine. Consulté le premier, le Conseil des Cinq-Cents se tourna
vers celui qu’il jugeait le plus apte à mener un tel travail : son
président, Jourdan. Celui-ci, pourtant peu familier avec certaines subtilités juridiques, prit
le soin de se faire flanquer d’une commission, mais ce fut tout de même lui qui
inspira l’essence même de la loi.
À son habitude, il s’attaqua au problème en allant du général au particulier et il
commença par poser un certain nombre de principes. Ceux-ci de nos jours paraissent évidents,
mais à l’époque c’était faire preuve d’un esprit novateur
particulièrement hardi. Jourdan partait de l’axiome que, puisque désormais tous les
Français étaient égaux en droits, ils l’étaient également en devoirs et que tous
sauf cas particuliers devaient participer à la défense de la République. C’était le
service militaire obligatoire pour les hommes de vingt à vingt-cinq ans répartis en cinq
classes, auxquelles le pays pouvait
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