Le Maréchal Jourdan
aurait pu
dire, de conspirations futures contre le gouvernement consulaire (toujours à cette époque la
méfiance maladive de Bonaparte).
Ce ne fut toutefois pas sans quelque étonnement que Jourdan apprit, le
24 juillet 1800, qu’il était relevé de son poste et nommé
ambassadeur de la République auprès du gouvernement piémontais. C’était un domaine
dans lequel il ne connaissait strictement rien, tant sur la manière de mener des négociations,
de rédiger des notes verbales que sur les us et coutumes d’usage dans la profession.
Il accepta néanmoins le poste en pensant qu’il trouverait dans le personnel de son
ambassade des hommes susceptibles de le guider.
Détail au moins aussi important, il n’avait jamais mis les pieds en Italie et ne
parlait même pas la langue. L’ensemble constituait dès le départ un assez lourd
handicap.
La situation au Piémont était passablement compliquée. Le royaume de Sardaigne comprenait,
outre cette île, le Piémont, la Savoie et le comté de Nice, avec pour capitale Turin.
S’étant jotit à la première coalition, le pays s’était vu arracher Nice
et la Savoie. Le Piémont continuait à être occupé par l’armée française. Seule la
Sardaigne demeurait possession du roi Charles-Emmanuel qui, ayant perdu l’essentiel
de ses possessions, errait de ville en ville à travers l’Italie. En vain, Bonaparte
venait de lui offrir de rentrer à Turin, sans préciser à quel titre, car il n’eût
pas été fâché d’avoir un souverain comme vassal. Le roi ne répondit même pas à cette
proposition.
Dans l’idée du premier consul, le pays s’acheminait donc peu à peu non
pas vers une république dépendante mais vers un territoire annexé à la France. Pour
l’heure, le gouvernement auprès de qui Jourdan était accrédité dépendait entièrement
de cet ambassadeur et ne pouvait concrétiser le moindre acte sans avoir son accord. À ce titre,
Jourdan siégerait au Conseil des ministres et, du reste, ceux-ci étaient nommés avec son
agrément, autant dire celui de Paris.
Deux tendances, plutôt que deux partis, s’opposaient aussi bien dans le pays
qu’au gouvernement : l’une, royaliste, qui faisait des
voeux pour une victoire de l’Autriche et le retour du souverain resté fort
populaire à la tête du pays ; l’autre, républicaine, soutenant la
population favorable à la France. Mais même cette dernière n’eût pas été fâchée de
voir le Piémont recouvrer son indépendance.
L’occupation française était assez mal acceptée, car rien ne laissait en entrevoir
la fin dans un proche avenir. L’armée d’Italie commandée par Masséna
vivait sur le pays et vivait bien.
Les réquisitions de toutes natures étaient difficilement supportées, d’autant plus
que Masséna se servait largement à titre personnel. À ces charges, déjà extrêmement lourdes,
s’ajoutait une contribution de guerre d’un million et demi de francs par
mois, soit dix-huit millions par an. Cette somme paraissait d’autant plus
exorbitante que les revenus annuels du pays n’en dépassaient pas quinze. Dans ces
conditions, l’ensemble de la population trouvait que la « libération des
peuples opprimés » dont on lui rebattait les oreilles avait un goût plutôt amer et
que l’ancienne soi-disant tyrannie royale ne manquait pas de charme !
D’où une atmosphère plutôt pesante avec un arrière-goût de révolte.
Les instructions que reçut Jourdan, avant de quitter Paris, étaient fort simples. Il devait
continuer à faire vivre l’armée d’occupation sur le pays, veiller à ce
que la fameuse contribution de guerre rentre bien dans ses caisses et, quelles que soient les
demandes du gouvernement local, ne prendre aucun engagement quant à l’avenir
politique du pays. Si on le pressait trop de questions sur ce potit, il devait se réfugier dans
le vague, avancer qu’il n’avait pas reçu d’instructions et
annoncer qu’il allait en référer à Paris. Son rôle était donc plutôt celui
d’un proconsul que celui d’un ambassadeur ; mais il ne lui
était pas titerdit de faire preuve de tact, de souplesse et de diplomatie dans
l’accomplissement de sa mission.
Arrivé sur place dans le courant du mois d’août 1800, il
s’efforça de nouer des rapports cordiaux avec les membres du gouvernement
qu’il était censé contrôler. Assez
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