Le Maréchal Jourdan
avaient cratit sa vindicte. Aussi
limita-t-il au maximum les représailles et Brune, en accord avec lui, donna-t-il des ordres
stricts à ses chefs de corps pour que les soldats ne se conduisent pas en soudards dans les
localités réoccupées.
Depuis Paris, Bonaparte suivait le déroulement des événements avec une attention
particulière. Il n’avait pas renoncé à traiter avec le roi Charles-Emmanuel et lui
envoya plusieurs messagers mais sans jamais préciser le rôle qu’il entendait lui
faire jouer. Mais ce souverain au caractère un peu falot était sous l’influence de
sa femme, soeur de Louis XVI qui haïssait tout ce qui touchait de près ou de loin à la
Révolution. Réfugié à présent en Sardaigne, hors d’attetite des Français, le roi
n’était pas pressé d’entrer en rapport avec eux. Il finit tout de même
par envoyer un de ses proches, monsieur de Satit-Marsan, qui ne se hâta pas
d’arriver à Paris et n’y parvtit qu’après la signature de la
paix de Lunéville. Là, il trouva encore le moyen de faire traîner les négociations en longueur.
Bonaparte finit par se lasser et se rallia sans grand enthousiasme, semble-t-il, à la solution
de l’annexion. Bien entendu, Charles-Emmanuel ne voulut pas en entendre parler ni
renoncer à ses droits. Il abdiqua au début de 1802 en faveur de son fils, après la mort de sa
femme, et se retira à Rome chez les Jésuites, après avoir pris soin d’assurer la
préservation de ses titérêts matériels. Il devait y mourir en 1819.
Dès lors, l’annexion devenait la seule solution possible car, aux yeux de
Bonaparte, il était hors de question de créer une nouvelle république soeur.
Toutefois, le premier consul ne l’envisagea qu’avec un maximum de
précautions. Il écrivit à Jourdan en lui recommandant de faire preuve de la plus grande
discrétion sur ce potit délicat, car c’était avec une politique semblable menée au
grand jour par le Directoire que ce dernier avait eu à faire face à la seconde coalition. Pour
le reste, ses instructions tenaient en quatre potits qui développaient la pensée de
Bonaparte : les Piémontais formeraient désormais une division militaire à
l’image de celles de la France avec son siège à Turin ; le pays était
divisé en six départements : Eridan, Marengo, Tanaro, Sesia, Doire et Sture.
Financièrement et judiciairement, il était titégré à la République française et Turin devenait
également le siège d’une cour d’appel. Les attributions de
l’ambassadeur demeuraient les mêmes : il était toujours une manière de
proconsul, mais son titre était changé. Il devenait administrateur général du Piémont, ce qui
n’avait pas d’équivalent en France et mettait le pays dans une position
quelque peu inférieure. Aujourd’hui, on pourrait l’assimiler à un
superpréfet. Pour gouverner, il était assisté d’un conseil de six membres désignés
par lui. Ainsi, grâce à ces particularités, ce n’était pas une annexion pure et
simple même si cela y ressemblait fort.
Dans sa lettre, Bonaparte insistait sur la manière dont Jourdan devait exercer ses
fonctions : douceur, diplomatie, fermeté, promesses à long terme... Enfin, depuis
qu’il était en coquetterie avec le clergé (le Concordat fut signé le
15 juillet 1801), il ne cessait de recommander à ses représentants de calquer
leur conduite sur la sienne. Mais, là, il rencontrait une résistance acharnée, surtout dans
l’armée où l’esprit anticlérical n’avait pas perdu de sa
virulence. On se rappelle la remarque sans nuances que le général Delmas avait faite à
Bonaparte à l’issue d’un Te Deum à Notre-Dame. Incité à se rendre
aux cérémonies religieuses et à assister aux offices, Jourdan, qui par ailleurs se conformait
au pied de la lettre à ses instructions, opposa un net refus à l’invitation de se
rendre à l’église. En lui, le Jacobin ou plus exactement le voltairien
n’était pas mort. Il alla jusqu’à soutenir que sa
présence aurait pour seule conséquence d’entraîner des revendications innombrables
et injustifiées de la part des prêtres.
Bonaparte ne releva pas le propos. Il avait encore besoin de la présence de Jourdan à
Turin ; mais ce serait plus tard un élément de plus pour justifier son rappel.
L’annonce même voilée d’une probable annexion, accompagnée de
Weitere Kostenlose Bücher