Le Maréchal Jourdan
absence un officier de grade
élevé et compétent pour assurer ses fonctions. Il choisit le général de Montrichard, puis il
prit la route de Paris.
L’accueil de Louis XVIII fut évidemment moins chaleureux qu’en janvier.
Il se montra froid, distant et en même temps quelque peu ironique, laissant Jourdan
s’empêtrer dans des explications sur son ralliement à l’usurpateur. En le
congédiant, il ne lui fit aucune promesse quant à un emploi futur, laissant à plaisir planer le
doute. Après tout, dans les circonstances présentes, lui avoir accordé une audience
représentait déjà un bienfait. Pour l’heure, la seule sanction qui le frappa fut la
déchéance de la pairie, comme toutes celles accordées par Napoléon. Cela ne le touchait guère
puisqu’il n’avait jamais siégé. Il n’était plus, non plus,
gouverneur de Besançon, étant donné qu’en principe il se trouvait à la tête de
l’armée du Rhin, dissoute avant même d’avoir été constituée. Mais il
allait recevoir une nouvelle fonction qui serait davantage une corvée qu’un honneur,
une punition en quelque sorte : il fut désigné pour présider le conseil de guerre
qui devait juger le maréchal Ney.
*
Ney, depuis le débarquement de Napoléon à Golfe-Juan, avait déconcerté puis exaspéré tout le
monde par son comportement irrationnel et ses prises de position excessives. Il avait promis au
roi de ramener « l’usurpateur » enfermé dans une cage de fer,
ce qui avait provoqué chez Louis XVIII la réflexion : « Le
singulier petit oiseau qu’il nous rapportera… »
À la suite de quoi, le maréchal, à qui ses troupes étaient décidées à ne pas obéir, au lieu
de rentrer chez lui comme le lui avait suggéré son adjotit, Lecourbe, s’était jeté
dans les bras de l’empereur. Par la suite, à Waterloo, il avait fait preuve
d’une extraordinaire bravoure mais, de retour à Paris, Napoléon l’avait
accusé « d’avoir donné comme un fou et fait massacrer sa
cavalerie ». Enfin, lorsque Carnot, quelques jours plus tard, parlant en son nom et
en celui de Davout, ministre de la Guerre, avait essayé de convaincre la Chambre des pairs
qu’il était encore possible, avec les éléments épars, de constituer un tout solide
pour livrer bataille dans de bonnes conditions sous Paris, Ney avait demandé la parole et, dans
un discours véhément, avait convaincu ses collègues qu’on leur mentait
et que tout était perdu. Ainsi s’était-il mis à dos tout le monde.
Par la suite, alors qu’il aurait pu s’enfuir à l’étranger, il
était demeuré en France, croyant pouvoir s’y cacher. Il avait fini par se faire
arrêter. Les royalistes, dans leur acharnement, voulaient faire un exemple. Ney semblait le
sujet tout trouvé et ses adversaires réclamaient sa mort. Le roi lui-même, avec davantage de
nuances, n’était pas hostile à une condamnation, encore qu’il eût été
plutôt satisfait de voir Ney s’évader, ce qui lui eût retiré une épine du pied. Les
représentants des gouvernements étrangers étaient favorables à ce qu’ils
considéraient comme un exemple.
Pour condamner Ney, il fallait un tribunal. Le gouvernement français, présidé par le duc de
Richelieu, royaliste très modéré, décida de le traduire devant un conseil de guerre et désigna
le maréchal Mortier pour le présider. Mais celui-ci, voyant venir l’orage, avait
demandé à l’avocat Dupin de lui rédiger un modèle de lettre de récusation.
C’était d’autant plus facile que tout le monde savait qu’il
s’agissait d’un procès purement politique et que les arguments de
l’accusation étaient des plus faibles. Aussi, Mortier tira-t-il assez facilement son
épingle du jeu pour la présidence mais n’évita pas de faire toutefois partie du
tribunal.
Le second choisi, Moncey, le plus ancien dans l’ordre des maréchaux, chercha lui
aussi à éviter la corvée et se barda de certificats médicaux. Mais le gouvernement et le roi se
fâchèrent, sentant la tournure ridicule que prenait la situation. À la demande du souverain, le
ministre de la Guerre, le maréchal Gouvion-Satit-Cyr, infligea à son camarade une peine de
trois mois de prison et appuya sa décision sur une loi datant… de la
Convention ! Moncey fut envoyé purger sa peine au fort de Ham. Or, il était occupé
par les Prussiens qui refusèrent
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