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Le Maréchal Jourdan

Le Maréchal Jourdan

Titel: Le Maréchal Jourdan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric Hulot
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de le recevoir. Le « prisonnier »
     s’installa donc dans une auberge devant l’entrée du fort avec ses
     gardiens et les régala pendant trois mois.
    Le suivant sur la liste des maréchaux était Jourdan et, avec quelque inquiétude, Richelieu se
     demandait ce qu’il allait bien pouvoir invoquer pour tenter, lui aussi, de
     s’esquiver. Or Jourdan, fidèle à lui-même, peu soucieux de voir ses relations avec
     le pouvoir s’aigrir davantage, accepta la mission. Ce fut, certes, sans
     enthousiasme, encore que ses rapports avec Ney n’eussent jamais été excellents.
     Mais, du moment où il avait donné son accord pour remplir cette fonction, il décida de le faire
     avec sa conscience professionnelle habituelle.
    Un bruit a couru selon lequel Louis XVIII aurait demandé au président du Conseil de désigner
     Jourdan comme une manière de punition pour son comportement pendant les Cent-Jours ;
     mais, suivant une autre source, il aurait été choisi simplement à l’ancienneté. Rien
     ne permet de croire à l’une plutôt qu’à l’autre thèse. Outre
     Jourdan, le conseil de guerre comprenait les maréchaux Augereau, Masséna et Mortier, et les
     généraux de division Villate, Claparède et Gazan. D’entrée de jeu, Masséna essaya de
     se récuser. Ses arguments étaient de valeur : pendant la campagne du Portugal, en
     1810, Ney avait été sous ses ordres et leur discorde avait été telle que Masséna avait demandé
     (en vain) son rappel. Mais ses camarades, excédés par toutes ces dérobades, ne voulurent pas le
     suivre dans son raisonnement et Masséna continua à siéger.
    L’affaire ayant été difficilement instruite, car les motifs de
     l’accusation, et en particulier la haute trahison, ne reposaient sur aucune base
     juridique solide, le conseil de guerre se réunit à nouveau, le 9 novembre 1815, au
     palais de Justice de Paris. Jusqu’au dernier moment, le garde des Sceaux avait
     hésité à renvoyer Ney devant ses camarades, de fortes pressions assurant que le titre de
     maréchal n’était pas un grade mais une dignité et que Ney, qui en était membre et
     qui y avait siégé, devait être traduit devant la Chambre des pairs. C’était,
     assuraient les tenants de cette thèse, infliger une trop rude épreuve à ses anciens frères
     d’armes. En réalité, mais sans oser le dire, ils craignaient que les dits frères ne
     se montrent trop enclins à la clémence.
    Dans l’entourage proprement dit de Ney, les potits de vue étaient
     partagés : certains croyaient qu’il avait plus de chance de tirer son
     épingle du jeu devant la juridiction militaire et d’autres qu’il fallait
     davantage faire confiance à la civile. Le prévenu lui-même changeait assez facilement
     d’opinion, penchant tantôt pour l’une, tantôt pour l’autre,
     mais n’ayant curieusement qu’une confiance limitée dans
     l’impartialité de ses camarades, surtout les maréchaux.
    Jourdan, avant l’ouverture des débats, avait eu une entrevue avec le président du
     Conseil des ministres, le duc de Richelieu. Celui-ci ne lui avait pas caché qu’un
     acquittement de Ney serait très mal perçu, aussi bien par le roi et le gouvernement que par
     l’opinion publique (celle des royalistes), et même les souverains étrangers, qui y
     verraient une preuve de faiblesse et d’incapacité du pouvoir français.
    Jourdan, tout en comprenant dans quelles difficultés se débattait le ministère,
     s’était un peu cabré en entendant de tels propos, quel que pût être son désir de se
     réconcilier avec la monarchie. Il avait fait remarquer à son titerlocuteur que, si le tribunal
     n’était pas libre de ses décisions, ce n’était pas la peine
     qu’il siégeât, ce que le duc avait reconnu. Puis, il avait réfléchi et conclu
     qu’une condamnation pouvait s’assortir d’un certain nombre de
     degrés entre la légèreté et la lourdeur. De la peine de mort à l’acquittement, les
     variantes étaient nombreuses et on pourrait difficilement reprocher au conseil de guerre de
     nuancer son jugement, surtout s’il s’appuyait sur des attendus solides,
     car en allant au fond des choses, le véritable coupable du comportement de Ney pendant
     « le vol de l’aigle » était Napoléon lui-même qui, avec ses
     mensonges, l’avait fortement influencé.
    Dès l’ouverture des débats, Jourdan frappa l’assistance par la
     modération de son ton et la politesse avec

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