Le maréchal Ney
pas été présentée bien hâtif, et il voulait marquer sa désapprobation. Peu de temps avant, Ney avait mis fin à sa liaison avec Ida et la séparation, la première, avait été orageuse.
*
Ayant eu en quelque sorte la main forcée par son proche entourage, Bonaparte, puisqu’on lui avait imposé Ney, décida de le mettre à l’épreuve. Ses états de service parlaient pour lui. C’était un excellent cavalier et un sabreur hors pair. Un assez bon tacticien aussi, semblait-il, mais avait-il d’autres qualités ?
La Suisse était alors en proie à une guerre civile larvée et aucune puissance européenne ne voyait ce conflit d’un bon oeil. Soucieux de mettre en évidence la prépondérance française, arguant qu’il s’agissait pour lui de couvrir la Franche-Comté, Bonaparte décida d’intervenir. Pour mener les négociations qui ramèneraient le calme, il désigna Ney et lui constitua autour de Besançon un corps d’armée. Talleyrand, ministre des Affaires étrangères, goûtait peu cette diplomatie de traîneurs de sabre. Déjà il s’était élevé contre la nomination du général Andreossy à Londres et celle de Lannes à Lisbonne. Ayant entendu parler du caractère entier et de l’intransigeance de Ney, il le convoqua et lui donna des instructions en trois points :
— Éviter d’écrire à quelque autorité que ce fût en Helvétie ;
— Ne prononcer aucun discours qui pourrait être publié et partant mal interprété ;
— Ne pas trop étaler sa force militaire.
Ney, même s’il avait réussi par son habileté à obtenir la reddition de places fortes, se savait assez novice pour comprendre à quel point les recommandations de Talleyrand pouvaient lui être utiles. Il l’écouta avec attention et promit de le consulter chaque fois qu’il le jugerait nécessaire.
La situation en Helvétie n’était pas compliquée. En fait, deux factions se disputaient le pouvoir. Les fédéralistes désiraient maintenir l’ancien ordre des choses et étaient installés à Zurich. Les unitaires à Berne se proclamaient défenseurs des principes révolutionnaires et souhaitaient un pouvoir central fort.
En octobre 1802, Ney pénétra en Suisse à la tête de ses régiments, ce qui eut pour résultat dans un premier temps de mécontenter tous les habitants, qui appréciaient peu de voir un pays tiers se mêler de leurs affaires intérieures. Sans y prêter trop d’attention, il marcha sur Zurich et déploya ses troupes dans la plaine entre Brugg et Baden. De là, il somma la diète de se dissoudre et, comme elle ne voulait pas l’entendre, il occupa Zurich. Même dispersés, les insurgés ne se tinrent pas pour battus et allèrent partout proclamant qu’ils allaient organiser des vêpres siciliennes contre l’« occupant ». Alors Ney fit emprisonner deux ou trois douzaines de ces trouble-fête et tout rentra dans l’ordre. Les Suisses toutefois ne se faisaient aucune illusion. Le traité d’alliance avec la France que Ney les contraignit à signer transformait leur pays en protectorat.
Ils s’en souviendront à la fin de 1813, en facilitant délibérément aux alliés le passage du Rhin pour envahir notre pays.
Mais, pour l’heure, Ney réussissait assez bien, prononçait dans la cathédrale de Fribourg (avec l’accord de Talleyrand) un discours panégyrique de Bonaparte et faisait preuve d’assez de bon sens pour ne pas verser dans une admiration béate. Puisque la situation était stabilisée, il fit venir sa femme qui, en mai 1803, lui avait donné un fils, Joseph-Napoléon. Grâce à l’hospitalité qu’Eglé sut déployer, les bourgeois de Berne, d’abord réservés, finirent par observer une attitude plus accueillante vis-à-vis des Français. D’ailleurs, Ney savait se montrer ouvert, affable, et accordait audience à tout Suisse qui la sollicitait.
C’est ainsi qu’il reçut un jour la visite d’un jeune homme qui allait jouer un rôle important à ses côtés. Il se nommait Henri Jomini et était né à Payerne (canton de Vaud) en 1779. Il avait donc dix ans de moins que Ney. Entré très jeune dans l’armée helvétique, il avait commencé à montrer ses talents en la réorganisant. Mais comme l’avenir ne lui paraissait pas devoir y déboucher sur une carrière passionnante, il l’avait quittée pour tâter de la banque. Il s’y ennuyait, ce que comprit bien Ney. Mais il avait continué à s’intéresser à l’histoire militaire et avait commencé à
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