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Le maréchal Ney

Le maréchal Ney

Titel: Le maréchal Ney Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric Hulot
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ne fraternisent pas avec les adversaires. Ce fut alors que Lecourbe, qui comprenait dans quel bourbier se débattait son chef, lui suggéra de prendre la route de Paris et d’aller exposer franchement au roi la cause de son échec. Bourmont, sans hésiter, appuya la proposition. Mais Ney leur opposa un raisonnement quelque peu fumeux, dans lequel il expliquait que le roi ne voulait plus d’eux et que seul Bonaparte pourrait redonner à l’armée la considération générale.
    La réalité était tout autre. Ney se voyait mal, lui qui avait fanfaronné devant Louis XVIII avec sa cage de fer, revenir l’oreille basse expliquer qu’il avait échoué dans sa mission. Il imaginait les sarcasmes des courtisans qui quelques jours auparavant l’avaient ovationné. Sans doute eût-il été bien inspiré d’expliquer ses raisons réelles à ses deux interlocuteurs. L’orgueil l’en empêcha. Les deux généraux et son aide de camp tentèrent un dernier effort pour lui éviter de commettre l’irréparable et de trahir son serment au roi. Puisqu’il ne voulait pas se présenter à Paris, cela il l’avouait, qu’il se retire dans sa terre des Coudreaux. Au moins, en agissant de la sorte, il n’aurait rien à se reprocher. Une fois encore, Ney ne voulut pas entendre raison. Il était maintenant décidé à lire la proclamation de Napoléon sur le front des troupes pour juger de leur réaction qui n’était que trop prévisible. Aussi bien Bourmont que Lecourbe n’y firent aucune objection. Mieux, ils allèrent donner des ordres pour les rassembler et se préparèrent eux-mêmes à faire acte de présence.
    La cérémonie eut lieu le même jour à treize heures. Devant les régiments disposés en carré sur les allées de la chevalerie, Ney, flanqué de ses deux divisionnaires, parut. Chacun pressentait un événement d’importance et l’atmosphère était particulièrement tendue.
    Pénétrant dans le carré, le maréchal, toujours volontiers théâtral dans ses attitudes, tira son épée et se mit à lire la proclamation de Napoléon qui commençait par : « Officiers, sous-officiers, soldats, la cause des Bourbons est à jamais perdue. » Il fut interrompu par un formidable « Vive l’empereur ! ». Puis les soldats se mirent en demeure de jeter leurs cocardes blanches pour les remplacer par une tricolore que la majorité d’entre eux avaient en poche. Ce geste prouve à quel point ils avaient été travaillés par les émissaires bonapartistes, et combien Ney avait raison quand il soutenait que jamais ses soldats ne consentiraient à arrêter Napoléon. Le maréchal eut du mal à terminer la lecture de son texte tant les hommes, rompant leurs rangs, montraient d’enthousiasme. Ils ne voulurent pas mesurer ce qu’ils perdaient et ce qui les attendait.
    Cependant, avant la fin de la cérémonie, deux petits faits vinrent geler l’euphorie quasi générale. Le commandant de la garde nationale de Lons-le-Saunier sortit des rangs reformés et brisa son épée devant le maréchal en lui disant qu’il ne servirait que « les enfants de Saint Louis ». Puis le colonel du 60 e régiment de ligne lui jeta sa démission à la figure. Ney la refusa, mais l’invita à se retirer chez lui le plus rapidement possible, pour ne pas être écharpé par ses soldats.
    Dans la soirée, on s’aperçut qu’ils n’étaient pas les seuls à refuser le ralliement à l’empire et qu’un certain nombre d’officiers de grade moins élevé et de fonctionnaires, déclinant l’état de fait imposé par le maréchal, avaient tourné les talons.
    Ce même jour, en ville, tandis qu’une foule en délire passablement éméchée et conduite par des sous-officiers en demi-solde détruisait tous les signes visibles du pouvoir royal, Ney recevait à souper les officiers supérieurs de la garnison. L’atmosphère était compassée et morne. On était loin de l’allégresse populaire. Le duc d’Elchingen lui-même demeura taciturne durant tout le repas. Le capitaine Leva-vasseur ne lui avait pas ménagé ses critiques sur un comportement qu’il avait taxé de « folie ». Quoique Ney ait répondu par une explication logique, bien des hommes en jugeraient de même, à commencer par Napoléon. Encore de nos jours, ce retournement de Ney s’explique mal. C’était certes un impulsif, par moments un excité capable de prendre des positions extrêmes. Mais il savait également écouter les conseils de son entourage. Ils ne

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