Le maréchal Ney
Avesnes où sera mon quartier général. »
Ainsi, Ney pouvait fort bien rester chez lui. Et rien n’aurait été davantage justifié après leur différend lors de leur dernière rencontre. Il n’eut pas cette sagesse. La lettre sentait la poudre. Il partit sur-le-champ.
C HAPITRE XIII
LA DERNIÈRE CHARGE
( JUIN - AOÛT 1815)
Dès que Napoléon eut compris que la guerre était inévitable, c’est-à-dire presque aussitôt après son arrivée à Paris, il décréta la levée d’une armée de cinq cent cinquante mille hommes. En fait, les effectifs furent loin d’atteindre ce chiffre, à cause des réfractaires et des appelés impossibles à équiper faute d’uniformes, d’armes et de matériel. De plus, un certain nombre de divisions furent immobilisées en Vendée pour lutter contre la chouannerie en train de renaître. Et il fallut constituer une armée des Alpes, afin de faire face aux Autrichiens menaçant de déboucher du royaume de Piémont.
Grouchy fut chargé de la réunir, avant d’être rappelé par Napoléon et remplacé par Suchet qui ne consentit à servir qu’après que Louis XVIII eut quitté la France.
L’armée royale que l’empereur avait trouvée à son retour, et qui, sauf exceptions, se rallia à lui, était forte de quatre-vingt mille hommes bien entraînés. Avec les régiments récemment mobilisés, il put porter les forces qui entrèrent en Belgique à cent trente mille hommes environ. C’était relativement modeste en face des soixante-trois mille soldats aux ordres de Wellington et des cent quinze mille Prussiens de Blûcher, sans parler des Autrichiens et des Russes en marche pour les renforcer. C’est pourquoi, se reposant sur leur supériorité numérique, Wellington et Blûcher, dont les services de renseignement ne valaient rien, jugèrent improbable une offensive française.
En réalité, ces troupes étrangères étaient d’une valeur très inégale. L’armée britannique, où l’on s’exprimait en quatre langues, était un mélange d’Anglais, de Hanovriens et d’Allemands d’origines diverses, sans compter des Belgo-Hollandais. Wellington avait si peu confiance en ces derniers qu’il les cantonna dans un rôle très accessoire, loin du champ de bataille. Il devait plus tard confesser que ces régiments étaient loin de valoir ceux qu’il avait commandés en Espagne et qui, pour la plupart, avaient été envoyés outre-mer. Il les traitera d’infamous, ce qui peut se traduire par « plutôt médiocres ». En outre, il ne disposait que de cent cinquante canons, et Napoléon de plus du double.
Les forces de l’empereur étaient articulées en six corps d’armée commandés respectivement par Drouet d’Erlon, Reille, Vandamme, Gérard, Grouchy (qui coiffait ce dernier) et Mouton. Mais si cette masse faisait impression, elle ne valait les anciennes « grandes armées » ni qualitativement ni quantitativement. En raison de la défection d’un grand nombre, un seul corps d’armée était sous les ordres d’un maréchal, Grouchy.
Quoique entre les mains de Soult, qui connaissait son métier et avait l’avantage d’avoir déjà combattu en Belgique, donc de connaître le terrain, le service d’état-major, faute d’officiers compétents, laissait à désirer. La discipline s’était également relâchée, encore qu’au feu cela ne se remarqua pas immédiatement. Enfin l’empereur n’était plus le même homme. Grossi, fatigué, il se montrait souvent indécis et pris de somnolence pendant des heures. Il semblait avoir perdu son mordant, son esprit de décision fulgurant, en un mot les qualités de chef qui avaient été les siennes pendant des années. Ses ordres manquaient souvent de précision, la grandiloquence devant y suppléer.
Ney ne découvrit ces faiblesses, déjà pressenties, que petit à petit. Les régiments qu’il rencontra sur sa route lui parurent manquer d’enthousiasme. Il parvint à Avesnes le 14, ayant fait diligence, et Napoléon, agréablement surpris de cette venue qu’il n’escomptait peut-être pas, le retint à souper, mais ne lui offrit pour l’instant aucun poste.
Le maréchal commençait à se demander ce qu’il était venu faire là. D’autant que les réflexions pessimistes du capitaine Levavasseur n’étaient pas faites pour lui remonter le moral. Soult, à son étonnement, l’accueillit assez bien, content, lui sembla-t-il, d’avoir à ses côtés un officier général qui connaissait son métier.
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