Le maréchal Ney
à Montesquiou, ministre de l’Intérieur, pour qu’il le mît sous les yeux du roi. Ce document fut pris en considération, car dès le 13 mars Soult, démis, était remplacé par Clarke, qui avait rempli longtemps ces mêmes fonctions... sous l’empire !
Complètement dépassé par les événements, Bourmont, bon second, mais piètre chef, par trop irrésolu, n’avait pas pris les mesures qui s’imposaient. Bien que l’avance de Bonaparte ne lui laissât que peu de temps, Ney entreprit de s’organiser. Il rameuta tous ses régiments sur Besançon. Puis, comme son corps d’armée s’articulait en deux divisions et que Bourmont commandait la première, il chercha un général capable pour le mettre à la tête de la seconde. Il lui vint une idée originale qui allait se révéler judicieuse. À proximité de Besançon résidait, retiré dans sa propriété, Lecourbe. C’était un excellent tacticien, qui avait brillamment servi sous les ordres de Masséna puis de Moreau. Ney l’avait alors connu et apprécié. Mais précisément parce qu’il était resté un républicain convaincu et un ami proche du rival de Bonaparte, jamais l’empire, malgré les offres de service qu’il avait faites en 1813, n’avait daigné l’employer. Il ne portait pas Napoléon dans son coeur. Aussi, lorsque Ney lui offrit de reprendre du service et lui eut expliqué sa mission, donna-t-il son accord sur-le-champ.
Phénomène insolite, ce républicain avéré s’entendit tout de suite très bien avec Bourmont, royaliste inconditionnel et ancien chouan. Cependant ces trois hommes éprouvaient quelques soucis. Travaillés en sous-main par des éléments bonapartistes qui comptaient de nombreux sous-officiers licenciés ou encore au service, les soldats ne montraient pas l’ardeur qu’on pouvait attendre d’eux. Aussi Ney et ses adjoints se demandaient quel serait leur comportement en face d’autres soldats français commandés par l’usurpateur. Le maréchal conservait son optimisme. Il considérait que, bien prises en main, ses troupes lui obéiraient.
Le soir, ou le lendemain de la venue de Lecourbe, qui arborait son vieil uniforme de Hohenlinden, arriva à Besançon le duc de Maillé, premier gentilhomme du comte d’Artois, envoyé par son maître. Il était porteur de mauvaises nouvelles. Accompagné de Macdonald, Monsieur avait précipitamment quitté Lyon pour Roanne, mettant ainsi entre lui et l’usurpateur les monts du Forez. Ney s’étonna que rien n’eût été entrepris pour défendre les ponts de Lyon, qui constituaient un obstacle non négligeable. Maillé dut confesser que ces deux chefs avaient agi de la sorte, tant le comportement des régiments – qui avaient refusé de crier « Vive le Roi ! » – leur avait paru incertain.
Le premier mouvement de Ney fut de marcher sur Roanne avec son corps d’armée pour se mettre à la disposition du comte d’Artois et renforcer son dispositif. Le duc de Maillé approuva vivement. Puis, à la réflexion, le maréchal estima qu’en restant comme une menace sur le flanc de la route que devrait emprunter l’usurpateur, il serait plus apte à lui barrer le chemin. Et il décida de se porter sur Lons-le-Saunier, ce qui le rapprochait de l’itinéraire du rebelle. Le duc de Maillé, qui ne connaissait rien à l’art militaire, ne put qu’acquiescer. En prenant congé, il insista toutefois sur le fait que le corps de Ney représentait désormais le seul rempart contre l’usurpateur.
Le prince de la Moskowa et ses adjoints en étaient parfaitement conscients et ne sous-estimaient pas l’ampleur de leur tâche. En même temps, ils étaient étonnés du comportement de ces soldats qui un an plus tôt avaient acclamé le roi et la paix, écoeurés par les tueries dans lesquelles on les lançait. Ils avaient la mémoire bien courte ! Ou alors il fallait que les émissaires bonapartistes aient été plus nombreux et plus actifs que la police ne l’avait imaginé. Ce que ces généraux n’avaient pas compris, c’est que ces mêmes troupiers regrettaient la vie facile dans les pays occupés où ils avaient vécu aux dépens des populations vaincues et qu’à cette vie avait succédé une existence morne dans les villes de garnisons.
Le retour de l’empereur leur laissait entrevoir le renouveau de ces temps qu’avec le recul ils jugeaient heureux.
Dans la nuit qui suivit le départ du duc de Maillé, un second émissaire du comte d’Artois, le comte
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