Le maréchal Ney
informé, le premier corps avait obliqué à droite pour faire route sur Ligny !
Furieux, non sans raison, Ney fit alors donner sa cavalerie lourde, une brigade de cuirassiers commandée par Kellermann. Bien que l’action lui parût peu réaliste, celui-ci chargea. Ses cuirassiers, épaulés par des lanciers et des chasseurs à cheval, réussirent à enfoncer deux carrés anglais et prirent le drapeau de l’un d’eux. Mais ils ne purent empêcher les fuyards de se regrouper plus loin et ne parvinrent pas à disperser les autres. Sous le feu précis des fantassins de Wellington, ils furent ramenés à leur tour.
À ce moment, ironie du sort, parvint à Ney une note de Napoléon confirmant qu’il avait fait appel à Drouet d’Erlon. En conséquence, le maréchal devait se contenter de contenir les Anglais « s’il ne pouvait faire mieux » ! Sous cet angle-là, il avait rempli sa mission. Pour sa part, Drouet d’Erlon, ayant reçu des ordres auxquels succédèrent des contrordres, passa sa journée en marches et contremarches entre les deux armées. Il fatigua inutilement ses divisions en obéissant strictement à ses instructions. Cela permit aux Anglais d’échapper à la défaite. Ignorant l’importance des forces qu’il avait devant lui et les surestimant, Wellington se contenta de camper sur le terrain face à un adversaire qui lui semblait aussi résolu. La nuit venait. Avec elle, la bataille s’éteignit.
On a longuement épilogué sur le comportement et la manière de commander de Ney. En fait, Napoléon lui assigna une mission sans lui fournir les moyens de l’exécuter. Certes, au matin du 16, il pouvait encore occuper sans trop de difficultés le carrefour, mais aurait-il pu s’y maintenir ? On l’a accusé d’avoir fait preuve de timidité. Peut-être se montra-t-il simplement prudent. Mais avec une armée dont il avait pris le commandement vingt-quatre heures auparavant, était-il raisonnable d’agir autrement ? Napoléon l’avait si souvent blâmé d’avoir opéré avec hardiesse et précipitation qu’il avait quelque excuse.
De son côté, Wellington évita de peu la défaite. La veille du combat, accompagné de la majorité de ses officiers, il dansait à Bruxelles ! En tout cas, la liaison entre Prussiens et Britanniques était rompue. À Ligny, Napoléon avait battu Blûcher sans parvenir, il est vrai, à l’écraser, mais en le forçant à faire retraite vers l’est.
On ne peut pas écrire que le combat des Quatre-Bras fut une victoire française, mais ce ne fut pas non plus un échec. Avec des forces très inférieures, Ney arrêta l’armée anglaise, ce qui était l’objectif de Napoléon. À présent, celui-ci allait pouvoir concentrer toutes ses forces contre celles de Wellington, avec de bonnes chances de broyer son armée. Et le duc le savait pertinemment.
*
Le 17 juin au matin, la situation de l’armée britannique devenait préoccupante. Wellington sentait la pression française s’accentuer et aucun renfort prussien, malgré les promesses de Blûcher, n’apparaissait. Or si les Anglais s’étaient avancés jusqu’aux Quatre-Bras, c’était uniquement pour se porter en soutien des Prussiens. Dans le courant de la matinée, Wellington apprit la défaite de son allié. Fait plus grave, Blûcher désarçonné, foulé aux pieds par les chevaux français, incapable d’exercer ses fonctions, avait dû passer momentanément le commandement de l’armée à son second, Gneisenau. Celui-ci battait à présent en retraite vers l’est.
Dès lors, demeurer sur place n’avait plus de sens. À leur tour les Anglais, s’abritant derrière un rideau de cavalerie et profitant d’un orage qui se déchaînait, entamèrent un mouvement rétrograde. Ils s’éloignaient ainsi des Prussiens, mais leur commandant en chef se demandait jusqu’à quel point il pouvait encore compter sur eux. En prenant la route de Bruxelles, en revanche, il se rapprochait d’Anvers et d’Ostende, ses bases maritimes, où il pourrait rembarquer, solution à laquelle il commençait à songer. Toutefois, en arrivant en haut de la colline du mont Saint-Jean, Wellington décida de marquer un arrêt. C’était un terrain qu’il connaissait bien. L’année précédente, il était passé par là et avait été frappé par l’avantage que présentait la position pour y livrer une bataille défensive. La nature du relief, une pente abrupte suivie d’un plateau en légère déclivité,
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