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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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entreprit de piétiner les couvertures entre son flanc et son bras afin de se ménager un creux douillet. Lionel sourit. Que ce chat ait déjoué la vigilance de Margot s’avérait une bonne chose : il lui sembla que son ronron grumeleux le portait de nouveau au sommeil. C’était du jamais vu. Et alors qu’il se sentait emporté doucement par la somnolence, la réponse à sa petite énigme vint toute seule : « C’est Jehanne qui a ramené Louis, et non l’inverse. » Heureux, il remercia le chat et se rendormit.
    *
    C’était un clair après-midi de la fin d’avril. Les jeunes feuilles des sous-bois étaient encore toutes chiffonnées, car elles s’étaient hâtées de quitter leurs bourgeons trop étroits. Un vent sucré y folâtrait avec une gaieté juvénile. Alors que le soleil descendait à l’horizon, des rossignols apparurent sur chaque cime d’arbre. Le crépuscule s’emplit à un point tel de leur chant qu’on eût cru que Dieu avait créé le monde pour eux seuls. Les longues bandes de velours mordoré des champs agrandis s’étendaient tout autour du hameau et dans la prairie surélevée du manoir. Les sillons de terre fraîchement retournée fleuraient bon les promesses d’une abondance à venir. Les graines qui leur avaient été confiées attendaient fiévreusement, au creux de leur cachette, le moment propice pour sortir saluer la lumière du jour. Celles qui avaient été semées dans de nouveaux sillons semblaient s’être perdues à tout jamais parmi le lacis d’arbustes déracinés dont on avait jonché le sol l’année précédente. En pourrissant dans la terre meuble, ils allaient bientôt céder leur place aux jeunes céréales.
    On eût dit que Louis savait être partout à la fois. Il était infatigable. Entre ses assignations à Caen, il avait peint les murs intérieurs de la maison d’un enduit blanc à base de chaux et d’eau salée qui, en séchant, avait l’air phosphorescent. Il avait astreint les habitants du hameau et du domaine, lui-même inclus, à de nombreuses corvées collectives dont Aspremont avait été le point de départ.
    Il y avait désormais un forgeron au village. Louis l’aida à installer son échoppe et lui commanda une variété d’instruments agricoles : faucilles, bêches, faux, houes. Et comme il projetait aussi de planter une vigne sur un coteau ensoleillé qu’il avait repéré, il équipa sa ferme d’un assortiment d’outils viticoles : serpettes, pressoir, cuve, fouloir et tonneaux.
    Louis avait fait en sorte de consacrer à chaque famille quelques jours qu’il avait passés avec elles à débroussailler leurs terres montueuses, principalement à la bêche et à la houe. C’étaient les outils d’une agriculture intensive millénaire, celle des tenures paysannes. Mais bientôt il s’arrangea pour faire fabriquer une herse et loua en ville un attelage de bœufs. Le sol put ainsi être soigneusement égalisé avant d’être ensemencé. Louis fit aussi l’acquisition d’une charrue à versoir qui entraînait une méthode d’ensemencement, différente, beaucoup plus rapide. Les grains étaient mis en terre, avant le labour, et c’était en passant la charrue dessus qu’ils étaient recouverts. Ainsi, les semailles furent faites à la volée et on n’eut pas besoin de herser une seconde fois pour les recouvrir. Il s’agissait principalement de seigle et d’avoine. L’avoine était une céréale nourrissante et facile à faire pousser en terrain pauvre ; quant au seigle, à poids égal, il produisait davantage de farine que le froment. Le sol appauvri des champs abandonnés, qui étaient devenus siens l’automne précédent, avait été jusque-là soumis aux caprices du froment, cette céréale délicate ; des blés d’hiver peu exigeants, seigle, orge et épeautre allaient lui succéder dès l’automne, car Louis avait acheté des semences qui allaient mieux convenir au climat rude de son pays d’adoption. Il avait grandement favorisé l’épeautre dont il avait acquis suffisamment de semences pour fournir ses paysans, car ce blé indigène était reconnu pour sa robustesse ; il rendait la meilleure farine après élimination des sons, en plus de bien s’adapter au sol pauvre et de supporter la froidure ; enfin, dernier avantage non négligeable, les grains se conservaient longtemps grâce à leur balle épaisse.
    Le maître avait aidé les villageois à réparer leur chaumière en torchis et avait vécu

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