Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
Vom Netzwerk:
froid dans cette forêt sans que personne n’en sût jamais rien, ou alors un loup viendrait la dévorer.
    Jehanne fonça tête première dans un obstacle invisible qui l’arrêta net dans sa course avant de se dérober. Elle tomba assise et leva les yeux, hébétée. Une esconse* pendait dans le vide. Ou presque, car elle entrevit bientôt une main qui tenait l’objet, puis un visage dont les prunelles sombres luisaient comme des braises.
    — Ça va ? Rien de cassé ? demanda une voix rassurante, une voix aimée qui n’était pas celle qu’elle avait attendue.
    — Maître, oh maître !
    Louis se pencha et prit l’enfant par le bras pour l’aider à se relever. Du plat de la main, il chassa quelques brindilles de ses jupes déchirées, mais il n’eut pas le temps de faire davantage : la fillette se jeta dans ses bras.
    Seul le ruisseau sut si leurs chemins s’étaient croisés de façon fortuite ce soir-là. Louis avait vu les garçons revenir seuls à la brune, penauds, et était parti avec sa lanterne sans dire un mot à personne. Il avait mis plusieurs heures à rechercher Jehanne et ne l’avait retrouvée que grâce à ses cris.
    — Rentrons, dit-il.
    Jehanne ne se fit pas prier. Elle glissa sa petite main dans celle de son fiancé, qui en fut trop saisi pour se rétracter. Ils se mirent en route.
    Mais Jehanne était lasse ; ses jambes ne la supportaient plus. Elle fut incapable de marcher longtemps. Elle s’arrêta soudain et se planta devant Louis en tendant les bras vers lui.
    — Prenez-moi !
    Il baissa les yeux vers elle avec incrédulité. « Et puis quoi encore ? » pensa-t-il. Il ne sut jamais par la suite comment il en vint à se pencher, à accepter cette demande. Jehanne l’enlaça par les épaules et ses jambes enserrèrent sa taille. Il la souleva et la soutint d’une seule main à cause de l’esconse*.
    — Vous êtes si grand ! Grand comme un arbre !
    Louis se remit en route avec son chaud fardeau qui, chose étonnante, avait conservé assez de vigueur pour l’étreindre fortement.
    — Restez avec moi toujours, toujours, dit-elle.
    Son nez, en une instinctive quête de sécurité, écarta doucement les mèches sombres et l’étoffe du haut col pour se nicher contre la peau tiède du cou de Louis. L’homme s’efforça vainement de repousser sans brusquerie ce petit visage de chaton reconnaissant. La respiration accélérée de la gamine s’apaisa graduellement tandis qu’elle se pelotonnait sous sa demi-étreinte. Il dut se rendre à l’évidence : il allait devoir trimballer cette petite pieuvre jusqu’à la maison.
    Après avoir coupé à travers un pré boueux, Louis traversa la cour. Il aperçut une silhouette qui longeait la maison et cherchait à se défiler. Il appela :
    — Toi, viens un peu par ici.
    Sam se détacha de l’ombre et vint les rejoindre devant la maison en traînant les pieds. Louis déposa la fillette et ouvrit la porte, faisant à Sam signe d’entrer.
    — Jésus, Marie, Joseph ! s’exclama Blandine.
    — Margot ! dit Jehanne, en allant se jeter dans les bras de la grosse gouvernante afin de la rassurer.
    Toute la maisonnée qui, depuis le crépuscule, s’était morfondue dans la grande pièce, se regroupa autour d’elles, formant cocon. Louis s’avança pour déposer sa lanterne sur la table et se retourna vers Sam qui restait planté sur le seuil.
    — Alors, jeune homme, vous entrez ? dit un père Lionel amaigri par les privations du carême, d’un ton qui n’admettait pas de discussion. Il vint se tenir près de Baillehache. Sam dit, embarrassé :
    — Pas besoin de me dire vous. Il faut que j’aille m’occuper des chevaux.
    — C’est bien possible, mais j’estime que tu nous dois quand même des explications. Approche, je te prie.
    Aedan pinçait les lèvres avec une telle appréhension qu’elles en disparaissaient presque entièrement sous sa barbe hirsute.
    — Nous t’écoutons, Samuel, dit l’aumônier.
    — Elle s’est perdue dans la forêt.
    — Dans la forêt ?
    Le moine se détourna de lui et regarda Jehanne.
    — Qu’est-ce que cela signifie, ma fille ? Te rends-tu compte que la forêt est un endroit très dangereux, surtout par les temps qui courent ? Tu aurais pu faire une mauvaise rencontre.
    « Elle en a fait une », fut tenté de dire Sam. Il jeta un coup d’œil à la dérobée au religieux dont l’allure et la voix, soudain trop autoritaires, lui déplaisaient. Elles

Weitere Kostenlose Bücher