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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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éveillèrent une douleur vive et palpitante dans chacune de ses plaies, mais il n’en eut cure. Jehanne caressa tendrement le visage encore soyeux de son ami et dit :
    — Moi aussi, je t’aime, Sam.
    Il nicha son visage au creux du couvrechef* sous lequel s’abritait une poitrine naissante, ensorcelante. Il ferma les yeux et se laissa bercer par les palpitations du cœur aimé. Une main exquise se mit à butiner parmi les boucles rousses, poisseuses. La voix attristée de Jehanne résonna à son oreille :
    — Si tu m’obliges à choisir entre le maître et toi, Sam, je ne pourrai même pas le faire. Car tu m’auras ôté la liberté qu’il faut pour que le choix existe.
    Sam eût pourtant dû comprendre cela. Il le comprit peut-être, mais il en conçut quand même de l’amertume. Il leva les yeux vers elle et se rassit. Ils eurent mal, très mal en silence tous les deux. Ce fut Sam qui, le premier, trouva le courage de prendre la parole pour dire, avec froideur :
    — Alors, il vaut mieux que tu t’en ailles. Hâte-toi d’aller faire tes courbettes au persécuteur avant qu’il ne s’avise de te faire la même chose qu’à moi.
    — Maître Baillehache ne me fera jamais une chose pareille. Il est toujours très aimable avec moi. Ces choses-là n’arrivent qu’à toi, Sam. Tu n’arrêtes pas de lui chercher noise.
    Elle soupira.
    — Tout se passerait autrement si tu essayais au moins de te montrer un peu plus agréable avec lui.
    — Tu veux savoir ? Je préférerais essayer de caresser un dragon. Jehanne ne trouva plus rien à ajouter. Elle dut laisser Sam à sa rancœur et emporta Flocon avec elle.
    Le silence du souper fut plus pesant qu’à l’accoutumée. Tout en mangeant tranquillement, Louis jetait de fréquents coups d’œil en direction de la jeune fille qui était assise à l’autre bout de la table. Comme à chaque soir qu’il se trouvait à la maison, il l’avait poliment attendue avant de se mettre à table. Les serviteurs gardaient eux aussi la tête penchée au-dessus de leur écuelle sans échanger les menus propos qui entaillaient habituellement ce moment de détente. Tout au long du repas, Jehanne évita avec soin de regarder son fiancé dans les yeux. Elle fut la première à finir de manger et elle se leva aussitôt.
    — Maître, voulez-vous bien m’excuser ? demanda-t-elle.
    — Bien sûr. Mais accordez-moi d’abord un instant. Il regarda les autres et dit :
    — Laissez-nous.
    Aucun d’entre eux n’avait terminé. Pourtant, ils se levèrent tous et quittèrent la pièce à la queue leu leu, sans discuter. Ils refermèrent derrière eux la porte à battants qui menait à la cuisine. Jehanne en fut mal à l’aise. Elle dit :
    — Oh, non, ce n’était pas la peine de renvoyer tout le monde. Je pouvais rester et attendre, vous savez. Vous n’avez pas terminé, vous non plus.
    — Reprenez place, je vous prie, dit Louis en posant son morceau de pain près de son écuelle et en s’essuyant les mains. Je ne vous retiendrai pas.
    Intimidée, Jehanne obéit.
    — Bien. Je voulais simplement vous dire que vous tenez beaucoup trop à ce garçon. Il me serait pénible d’avoir à vous chagriner encore par sa faute.
    — Sam n’est pas méchant, il est prompt. J’ai bien essayé de lui faire entendre raison tout à l’heure. Mais il saignait, maître ! C’est affreux. On aurait dit des griffures de m… Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire. Mais vous avez dû lui faire très mal.
    — Je le sais. Il n’en tient qu’à lui que cela ne se reproduise plus. Mais ce n’est pas de lui que je voulais vous parler.
    Il se leva pour moucher une chandelle et se promena lentement autour de la table, les mains dans le dos. Il s’arrêta derrière Jehanne, qui ne bougea pas de sa place.
    — Vous êtes, je le suppose, consciente de la grande liberté que je vous accorde à tous les deux, n’est-ce pas ?
    — Oh oui ! C’est mon ami le plus cher. À part vous, bien entendu. Je vous suis très reconnaissante de comprendre cela.
    — Bien. Je n’en exige pas autant de sa part à lui. Mais je compte sur vous pour le rappeler à l’ordre. N’oubliez pas que, votre fiancé, c’est moi.
    Jehanne rougit jusqu’à la racine des cheveux. Un peu plus et elle laissait échapper un très compromettant « Comment avez-vous su ? ». Elle se mordit les lèvres. Elle aimait Louis et son opinion comptait pour elle, même si pour le moment il lui faisait

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