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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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plusieurs minutes sans lui, il dit :
    — Cette maxime me démoralise parfois, moi qui ai tant soif d’éternité.
    — Tiens, le père Lionel est réveillé, dit Jehanne. On mange bientôt ?
    Sa concentration était perturbée par le fumet que détectait son odorat. En passant à la hauteur de Sam, Louis lui donna une taloche derrière la tête avant de sortir dans la cour comme si de rien n’était.
    — Eh, là, ça va pas, non ? S’adressant à Jehanne, il poursuivit :
    — En plus, il m’a fait faire une bavure.
    — Tu n’as qu’à les manger, tes boulettes de pain. Mais gardes-en au moins une pour effacer. On ne mangera pas tout de suite. Regarde dehors.
    Un courrier venait d’arriver de Caen.
    Depuis peu, ils avaient recommencé à délivrer leurs messages de façon régulière. Ils apportaient presque toujours, avec leurs assignations, quelque nouvelle du royaume. Il n’y avait plus lieu de s’interroger sur l’identité de celui qui régnait réellement en Normandie. Charles V était parvenu à déjouer des complots qui étaient ourdis jusque dans sa famille même. Les habitants d’Hiscoutine en apprirent davantage au sujet du mystérieux départ des routiers et de la parodie de croisade qui devait permettre au roi de France de se débarrasser des compagnies. Les routiers avaient reçu du butin supplémentaire avec, de surcroît, l’absolution en échange de leur consentement à partir pour l’Espagne avec Du Guesclin. On racontait toujours que le roi de Castille, Pedro le Cruel, un ami des Juifs et des Sarrasins, avait assassiné sa jolie reine. Blanche de Bourbon avait été une femme sans pareille, aimée de tous. Et, par malheur, elle était la belle-sœur de Charles V. Ce meurtre avait beau n’être qu’une rumeur, car il était aussi question de maladie, il n’en avait pas fallu davantage pour que la France fasse de cette reine une martyre, et le prétexte fut tout trouvé pour donner une allure plus chrétienne à la croisade. Charles V avait donc résolu d’envoyer à Enrique de Trastamare, le frère et rival de Pedro, les cohortes indisciplinées qu’il avait fait conduire par quelques nobles gens afin de leur donner bonne figure. Il fallait tout de même faire en sorte qu’Enrique pût croire que toute cette racaille allait lui être utile là-bas pour l’aider à prendre le pouvoir. Charles de Navarre, quant à lui, avait traité par personnes interposées avec les routiers afin que son patrimoine fût épargné lors de ce grand branle-bas qui s’en allait traverser les montagnes de son royaume.
    Après la bataille d’Auray (108) , affrontement désastreux qui avait montré à tous que Du Guesclin n’était malgré tout pas invincible, un nouveau traité avait été conclu entre Charles V et le Mauvais. Tel que Friquet de Fricamp l’avait prédit à Louis quelques mois plus tôt, Aspremont et Hiscoutine avaient été remis au roi de Navarre. Saint-Sauveur-le-Vicomte avait, quant à lui, recouvré sa liberté.
    Un autre jour, à peu de temps de là, un nouveau messager avait trouvé la maison déserte. Tous les habitants de la ferme étaient aux champs avec quelques paysans des alentours, occupés à la fenaison, sauf Sam qui était introuvable depuis le matin, Lionel qui travaillait à ses livres et Jehanne dont la tâche était de s’occuper des trois jeunes enfants que les paysans avaient amenés avec eux. Louis seul avait raccompagné le courrier jusqu’au manoir, où il lui avait offert une écuelle de soupe et un gobelet de vin. Le messager avait englouti le tout en vitesse avant de remettre un pli cacheté à Louis. Les deux hommes étaient sortis discuter dans l’allée. Les nouvelles étaient nombreuses, ce jour-là. Graduellement, le champ de foin fut délaissé par les autres travailleurs, qui étaient davantage assoiffés de commérages que de l’eau fraîche aromatisée au gingembre préparée par Jehanne. La jeune fille était demeurée avec les petits, en retrait plus loin dans la cour, pour ne pas déranger les autres.
    Le messager dit :
    — Puisque vous voilà tous, j’ai une bien triste nouvelle à vous annoncer. Il s’agit du trépas des grands seigneurs de Bretagne, survenu à cette bataille d’Auray dont je vous ai parlé. Même s’ils étaient avec Du Guesclin, ils se sont obstinés inutilement. Mais, le plus grave, c’est que Charles de Blois (109) se trouvait parmi eux.
    — Oh, mon Dieu, dit Margot en se signant.
    Thierry et

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