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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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position presque assise, comme si elle était tentée de reculer. Trois rayons de soleil tamisés, faits de précieux fil d’or, descendaient sur les deux bêtes. D’autres rayons de lumière, ascendants ceux-là, montaient vers les frondaisons où un couple d’oiseaux, l’un noir et l’autre or, se faisaient face. Le père Lionel aimait beaucoup cette tapisserie.
    Ils savaient tous. Il en avait la certitude. Dès le départ, ils avaient tous su qui était le maître Baillehache et ils ne leur en avaient rien dit, ni à Jehanne ni à lui. Et pourtant, à présent qu’il savait, il constatait que les indices avaient abondé : les messagers, ce mystérieux travail à Caen, la canne à pommeau d’étain, le routier transpercé devant lui avec une cruelle efficacité, la mystérieuse épée antique qu’il avait un jour trouvée par accident sous les combles et avec laquelle il avait secrètement joué au chevalier. Oui, maintenant, tout devenait clair.
    Sam sursauta sous les yeux rouges de la manticore* qui le regardaient faire en scintillant. Il s’avança sur la pointe des pieds jusqu’à l’une des fenêtres afin de jeter un coup d’œil dehors. Personne n’était en vue, ils étaient encore tous aux champs. Il en profita pour filer en douce dans la cour où, songeur, il entreprit de vider et de nettoyer ses poissons.
    Peu après, une mélodie errante, aigre comme une bise, lui vint à l’esprit. « Rien ne saurait mieux convenir », se dit Sam. Dans un cimetière, il vit une ronde formée par des couples. Il y avait des princes et des mendiants, des chevaliers et des paysans. Chaque couple se composait d’un vivant et de ce qui avait l’air d’être sa propre effigie, affreuse, morte. Sam reconnut Jehanne parmi ces couples. Cependant, le partenaire de la jeune fille stupéfaite n’était pas une version défunte d’elle-même, c’était lui. C’était le bourreau. Un mort-vivant vêtu de noir qui l’entraînait malgré elle dans sa danse (111) . Il était le maître de cette activité et la musique émanait de lui. Soudain, il interrompit tout geste et braqua son regard sans vie sur lui.
    — Aitken, appela la voix grave et sèche.
    Sam se réveilla brusquement. Hébété, il posa les yeux sur le poisson qu’il n’avait pas fini de vider, avant de les lever sur l’homme en noir qu’il venait tout juste de voir ailleurs. Le visage à peine mobile du vivant se superposa à celui, pétrifié, du transi* de son rêve. Les deux orbites vides et inexpressives furent occupées par deux prunelles noires à l’éclat mauvais. Louis avait une grande faux (112) à la main.
    — Qu’est-ce que tu fais là, toi ? On t’a cherché partout ce matin.
    — Ah bon, vous me cherchiez ? répondit-il avec l’air faussement étonné d’un acteur de second ordre. Je croyais pourtant avoir dit à Margot que j’allais au ruisseau. Je ne le lui ai pas dit ?
    La voix en mue de Sam sonnait juste assez faux pour lui permettre de se mettre à couvert sous sa petite partie de pêche. Grâce à elle, Louis ne se douta ni de sa découverte ni de son effroi mêlé à une irrésistible envie de le défier.
    — Assez. Tu mens encore plus mal que tu travailles. Tout le monde devait passer la journée aux champs et ça, tu le savais.
    — Oui, je… enfin, j’ai oublié. Pardon.
    — Ah, tu as oublié. Mais nous t’aurions sûrement vu rappliquer pour souper. Dis plutôt que tu t’es esquivé, espèce de vaurien.
    — À propos de souper, regardez un peu ce que j’ai attrapé. J’ai quand même fait quelque chose d’utile aujourd’hui, non ?
    — Silence !
    Louis empoigna l’adolescent par sa tunique et le poussa devant lui jusqu’au champ où travaillaient les autres. Docile, Sam se laissa bousculer. Louis ordonna :
    — Allez, fainéant. Mets-toi au travail. Vous autres, ne ralentissez pas, qu’on en finisse.
    Louis reprit sa place, voisine de celle de Sam afin de pouvoir garder l’adolescent à l’œil plus aisément, et il entreprit d’aiguiser sa faux avant de se remettre lui-même à l’ouvrage. Après avoir travaillé pendant un certain temps, il s’arrêta de nouveau.
    — Qu’as-tu à me regarder comme ça ? demanda-t-il à Sam, qui lui souriait avec un mépris authentique, tout à fait explicable.
    — C’est curieux, je n’avais jamais remarqué à quel point vous êtes habile avec la faux. Ça me rappelle quelque chose.
    — Ah ouais ? Dis-moi donc quoi ?
    — C’est

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