Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
Vom Netzwerk:
temps qu’elle croisait son regard, la putain eut conscience de se retrouver comme isolée de la foule qui se pressait autour d’elle. De tout le monde qu’il y avait sur cette place, pourquoi avait-il fallu que l’attention de l’homme se portât précisément sur elle ? Furieuse, elle s’adressait d’amers reproches : « La guigne s’abat sur moi. Que vais-je faire, maintenant ? Impossible de lui faire faux bond avec tous ces imbéciles qui m’empêchent de passer. Et l’autre, là, ce gamin que j’escortais, qui m’a plantée là et a filé sans demander son reste. »
    Elle remarqua que l’attention du bourreau ne semblait plus fixée sur un point précis, mais englobait le groupe dans lequel elle se trouvait. Il l’avait perdue de vue. Tant mieux. Mais à l’instant même où elle prenait conscience de cela, elle aperçut, pas très loin, la tignasse rousse de Sam.
    — Oh, merde, souffla-t-elle.
    Elle n’avait plus le choix. Il lui fallait faire diversion, et vite, avant qu’il ne le vît. « Mais que fait-il là, ce jeune idiot ? Et seul, en plus ? Ne se rend-il pas compte qu’il s’en va beaucoup trop près ? » pensa-t-elle.
    Elle put faire quelques pas en direction du destrier et s’inclina avec une mimique moqueuse, dos à Louis, pour lui offrir une bonne vue de son postérieur. Le bourreau ne vit pas l’injure. Il détournait les yeux avec indifférence. Elle grogna et se mit à faire de grands signes de la main en lui souriant de toutes ses dents gâtées. Et, cette fois, il la remarqua. Il s’aperçut aussi que c’était elle qui lui avait dérobé sa canne. Elle la brandissait fièrement comme un trophée. Elle se détourna et fila en zigzaguant à travers la foule qui se dispersait enfin.
    Le stratagème avait réussi : Louis la prit en chasse sans avoir repéré les cheveux roux de Sam. Mais les sabots ferrés de son cheval sur les pavés la rattrapaient beaucoup trop vite à son goût, car maintenant les gens s’écartaient avec plus de célérité. Ils n’avaient aucune envie de se mettre en travers du chemin d’un homme pareil.
    Elle aussi fit un écart et piqua à travers une ruelle, cherchant à le semer dans quelque dédale. Cela n’eut pour résultat que de la coincer dans un cul-de-sac. Elle était prise au piège comme un rat. Tonnerre arriva au pas et bloqua l’extrémité de l’impasse. Calmement, Louis descendit de cheval et s’avança. Même dans la pénombre de l’impasse, il put distinguer le visage de Desdémone. Il était très amaigri. Ce qu’il y avait de mâle dans ses traits avait acquis trop d’ambigüité pour provoquer autre chose qu’un malaise. Louis dit :
    — Comme on se retrouve. Tes faveurs ne te paient-elles plus assez, pour que tu sois ainsi obligée de voler ?
    — Va-t’en !
    Elle chercha des yeux quelque projectile à lui lancer, mais ne trouva rien. Il continuait à avancer prudemment.
    — Voyons, Desdémone. On ne parle pas ainsi à son patron. Où sont passées tes bonnes manières ?
    — C’est ça. Vas-y, moque-toi. Si tu crois que ça me dérange, maintenant, ce que tu penses de moi ! Non. Je m’en fous. Tu peux t’envoyer en l’air avec qui tu veux. Surtout après ce que je viens d’apprendre…
    Elle repoussa ses longs cheveux sales d’un air défiant. Il s’arrêta, assez loin d’elle.
    — Qu’as-tu appris ? demanda-t-il.
    — Ah, on fait moins le coq, maintenant, hein ! J’ai vu ta petite amie.
    — Où ça ? dit Louis sans révéler qu’il l’avait vue lui aussi.
    Une pointe d’inquiétude perça dans la voix de Louis. Desdémone sourit, satisfaite de l’effet produit.
    — Ici même, en ville, il n’y a pas une heure. Sais-tu qu’elle est mignonne comme tout.
    — Avec qui était-elle ?
    — Je ne sais plus trop. Une espèce de valet à cheveux roux, il me semble.
    Desdémone haussa les épaules avec indifférence. Ce qui allait advenir de Sam à cause de cet aveu lui indifféra soudain totalement. Elle avait déjà suffisamment de soucis à s’occuper d’elle-même.
    — Tu ne croyais tout de même pas que j’allais accepter de me laisser pourrir dans un bordeau* le restant de mes jours, n’est-ce pas ? Non. J’ai dû m’accommoder de cette honte, en attendant. Parce que c’était en attendant.
    Elle lança sa canne à ses pieds.
    — Tiens. Ça ne m’intéresse plus, ce truc que je voulais comme souvenir, puisque j’ai beaucoup mieux, maintenant. Je te tiens,

Weitere Kostenlose Bücher