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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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Prends au moins le temps de m’écouter ! Je veux te parler.
    — Moi, pas. Mais puisqu’il le faut…
    Il attendit. Elle reprit :
    — Tu ne peux pas savoir comme je m’en suis voulu. J’ai beaucoup réfléchi. J’ai changé, tu sais.
    — Je vois ça. Et pas pour le mieux.
    — Je n’en peux plus, Louis. Ce n’est pas une vie. Ma seule consolation, c’est qu’à vivre comme ça, je suis certaine de mourir jeune.
    — Que veux-tu que j’y fasse, que je pleure ?
    Elle chercha à poser la main sur son bras. Une suite de minces bracelets se bouscula en tintant autour du sien, comme pour cacher les traces de brutalités subies. Elle se ravisa et leva plutôt la main vers sa propre épaule dont elle caressa du bout des doigts le tatouage en fleur de lys.
    — Tu peux faire beaucoup. Beaucoup plus que tu ne le crois. Sors-moi d’ici, Louis. Emmène-moi avec toi. N’importe où, en autant que tu sois là. J’ai beaucoup réfléchi. Je t’aime. Je t’aime pour de vrai.
    — Tu es folle ?
    Il secoua son bras et dit :
    — Ne me touche pas !
    La main de Desdémone retomba. Elle dit, frénétique :
    — Il n’y a plus que l’eau-de-vie qui m’intéresse. Maudite eau-de-vie qui porte si bien son nom. Parce que, quand je n’en ai plus, ma vie s’arrête. Mais si toi tu m’aimais, même juste un peu… tu sais, moi, je t’aime, mon Louis. Je t’ai toujours aimé. Si tu m’aimais, je me sentirais capable de devenir bonne. Non, ne t’en va pas. Écoute-moi. S’il te plaît, Louis, reste avec moi. Aide-moi.
    Il retira sa dague qui épinglait encore le rat agonisant. L’animal tomba inerte à leurs pieds. Il posa le fil de son arme contre la gorge de Desdémone.
    — Bon, c’est fini oui, les balivernes ? Où sont-ils allés ? demanda-t-il doucement.
    Elle émit un sanglot nerveux et dit :
    — Elle, je n’en sais rien.
    — Et lui ?
    — À mon départ, il était encore là, sur la place. Tout seul. Il recula et lui plaqua une pièce de monnaie dans la main.
    — Tiens, tu boiras un coup à ma santé.
    Il se détourna et s’en alla après avoir ramassé sa canne. Desdémone lâcha un cri qui tenait davantage du feulement et se laissa tomber à genoux dans une flaque d’eau croupie, le rideau de ses longs cheveux sales lui voilant le visage. Il entendit la pièce rouler sur les pavés.
    Louis passa trois jours à arpenter toutes les rues de la ville. Mais sa fiancée demeura introuvable. Nul ne l’avait vue ou n’avait entendu parler d’elle. C’était comme si Jehanne avait disparu de la surface de la terre.

Chapitre XI
Les rivaux de la vieille tour
    Une semaine et demie plus tard
    Lionel les voyait marcher tous les deux le long d’un sentier sinueux qui allait se perdre dans la colline. Il était mal à l’aise parmi les troncs monstrueux et moussus qui se terraient derrière un lourd brouillard blanc. « On se croirait dans la tapisserie de Margot », pensa-t-il distraitement. Parfois, un fût sombre surgissait pour aussitôt être englouti par des nuages errants. Le vent ignorait où aller, car il n’avait pour repères que d’occasionnels fragments de ciel ou de terre.
    Louis emmenait Jehanne par le bras. Ce geste parut désagréable et possessif au moine, qui les suivait loin derrière sans qu’ils le remarquent. Ils pénétrèrent dans une clairière où flottait une sorte de crépuscule permanent à cause de l’épais lacis de branches qui, au-dessus de leurs têtes, formait une voûte. Jehanne se libéra de l’emprise de Louis pour aller se pencher au-dessus d’une jolie source sans laquelle cette forêt eût paru maudite. Sa trouvaille la mit en joie. Cela rappela à Lionel une autre fois où, à leur arrivée à Aspremont, des années plus tôt, elle avait fait la découverte d’un ruisseau. Le doux murmure de l’eau leur fit prendre conscience du silence qui régnait autour et de l’isolement total que celui-ci supposait.
    Le religieux s’approcha et, dès lors, sa perspective se modifia : il se mit à percevoir les choses comme s’il était subitement devenu Jehanne. Louis attira son attention en faisant délibérément craquer une branchette sèche sous son pied. Jehanne se releva et lui fit face en souriant. Mais son sourire se cassa. Elle réalisa soudain que le visage du géant était pétrifié, comme enduit d’une glaise friable. Deux joyaux aux reflets de glace y scintillaient.
    « Cours, Jehanne, va-t’en d’ici. Vite ! » ordonna

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