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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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Lionel s’était rendu à l’église pour prier. Il était entré dans le petit édifice désert et était allé s’agenouiller devant le grand crucifix comme un simple fidèle. À peine cinq minutes s’étaient écoulées lorsqu’il entendit un bruit. Il se retourna et, d’abord, il ne vit rien ; la plupart des cierges s’étant éteints, le chœur et la nef étaient tous deux plongés dans la pénombre. Soudain, quelque chose qui ressemblait à un tas de linge sale remua par terre, dans un coin, et une main blanchâtre se tendit pour ouvrir la porte du confessionnal. Le bénédictin se leva avec hésitation.
    — Qui va là ? demanda-t-il nerveusement.
    Une voix mâle enrouée par le manque d’usage répondit :
    — Je ne peux pas parler. Pas comme ça. Confessez-moi.
    Son devoir de pasteur lui dictait de ne jamais décliner semblable demande, même s’il était mort de peur. Lionel mit quelque temps à rattraper son esprit et à l’enchaîner sur terre. Dès ce moment, sa disponibilité devint totale. L’aumônier s’enferma donc dans le cagibi avec l’individu dont il était séparé par la cloison. En ouvrant la petite porte à glissière, il ne vit à nouveau par la grille que le capuchon rabattu et les hardes d’une saleté repoussante.
    — Je t’écoute, mon fils, dit le moine d’une voix qui se voulait apaisante.
    La tête sous le capuchon remua vaguement et l’homme dit, négligeant l’acte de contrition :
    — Mon père, je m’accuse de… j’ai… j’ai fait une bêtise. Tremblant de la tête aux pieds, il se montra incapable de retenir ses sanglots plus longtemps et sa voix devint saccadée, tout juste compréhensible :
    — Je savais qu’elle allait en souffrir, mais je l’ai quand même fait. Pour moi. Je voulais qu’elle me revienne. Et je crois que ça l’a tuée, mon père.
    — Mais que…
    La silhouette se redressa et abaissa son capuchon. Le père Lionel resta coi à la vue des boucles rousses, ternies. Il dit, tout bas :
    — Samuel !
    — Comprenez-vous ce que j’essaie de vous dire ?
    Fou de douleur, l’adolescent était méconnaissable. Il avait beaucoup maigri et l’angoisse déformait ses traits. Le père Lionel fut incapable de lui répondre.
    — Vous avez tous cru que je l’avais emmenée avec moi pour la marier, hein ? N’est-ce pas ce que vous avez pensé ?
    — Eh bien, à vrai dire, oui. Nous en étions même arrivés au point où nous l’espérions.
    — Moi aussi. C’était mon intention. Mais, pour rendre cela possible, il me fallait un moyen de la débarrasser de lui. Ce moyen, je l’ai trouvé. J’ai su, moi, ce que vous autres n’avez pas eu le courage d’avouer à Jehanne. Je l’ai emmenée là-bas. Je le lui ai montré avec sa barre de fer dans les mains et je lui ai dit : « Vois, vois qui il est vraiment. »
    — O mon Dieu.
    Les mots coulaient de la bouche de Sam, entre ses dents serrées et ses sanglots douloureux, avec toute la hargne qu’ils avaient contenue pendant des années.
    — Une simple lettre lue à haute voix. C’est tout ce qu’il m’a fallu. Juste cela et je triomphais. Le temps d’un battement de cœur, j’ai été l’homme le plus heureux du monde. Je me suis senti invulnérable, comme un grand oiseau en plein essor. C’était merveilleux. J’avais ma revanche et Jehanne allait enfin me revenir.
    Il retint son souffle comme s’il cherchait à retenir également, un instant de plus, l’extase fugace de ce souvenir. L’instant d’après, il se tassa de nouveau sur lui-même, avec au cœur la peine d’avoir perdu ce qu’il n’avait même pas gagné. Le poids de sa faute l’avait rabattu au sol, et Lionel sut dès lors que jamais plus Sam n’allait pouvoir voler.
    — Mais Jehanne ne m’est pas revenue, dit l’adolescent. Elle a crié. Juste un petit cri d’animal blessé. Et elle s’est échappée. Je l’ai perdue dans la foule et je ne l’ai plus retrouvée. J’ai passé des jours à la chercher.
    — Lui aussi l’a cherchée. Et peut-être souffre-t-il autant que toi.
    — Je sais.
    — Non, tu ne sais pas. Tu n’y as même pas pensé. Ta faute est grave, Samuel. Tu as jeté le poids de ton égoïsme en travers du dessein de Dieu, sans penser au mal que tu faisais à Jehanne. Sans penser non plus au mal que tu lui faisais à lui, ce mal dont nous soupçonnions tous l’existence sans oser l’avouer.
    — Lui, il est capable de faire du mal.
    — Oui, il

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