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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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l’est. Mais toi aussi.
    Le silence qui suivit fut meublé des halètements nerveux de Sam.
    — Dieu n’a pas le choix comme tu l’avais, toi, reprit Lionel. Il te laisse donc te punir toi-même par là où tu as péché. Tu aimes Jehanne ; or tu l’as perdue. Telle est ta pénitence. Pénitence qui est, par le fait même, la nôtre.
    — S’est-elle suicidée, mon père ?
    Les cils du bénédictin s’ourlèrent de larmes. Il dit avec une ferveur accrue :
    — Si cela est, nous finirons bien par le savoir. En attendant, mon fils, tu vas prier très fort pour que ce ne soit pas le cas. Prie pour son salut à elle autant que pour le tien.
    — Oui, mon père.
    — Je vais te donner l’absolution. Je sais ce qu’il t’en a coûté de battre ta coulpe comme tu viens de le faire et je prierai pour que tu tires leçon de ta malveillance. Cependant, permets-moi de te rappeler que si l’absolution t’accorde le pardon de Dieu, elle ne t’accorde pas forcément celui des hommes.
    Sam avait brusquement levé la tête. Il avait compris.
    — Ça, je le sais. Il ne faut pas qu’il me trouve. Je vous demande asile.
    *
    Pendant les trois semaines qui suivirent, Louis écuma la région, sans succès. Le bourreau était maintenant presque convaincu que le couple avait quitté la Normandie. Il eût en effet été inconscient de la part de Sam de s’être attardé dans le coin après un coup pareil. Le seul détail qui demeurait inexplicable, c’était que, d’après Desdémone, Sam était resté seul sur la place après avoir commis son méfait.
    Avant de renoncer à ses recherches, Louis tenta un dernier essai et envoya des émissaires qui revinrent bredouilles l’un après l’autre. Aucun prêtre des alentours n’avait célébré de mariage à la sauvette, et les cours d’eau des environs ne restituèrent pas de cadavre.
    La lettre arriva une fin d’après-midi, alors que l’on n’attendait plus rien. Le courrier fut reçu par le père Lionel. D’après son allure cléricale, le moine sut tout de suite à qui il avait affaire. Il ne pouvait s’agir d’une assignation du bayle. Mais le destinataire de la missive était bien Louis.
    Il cogna à la porte fermée de la grande pièce et entra sans attendre de réponse. Un gros matou commit l’indiscrétion de filer entre eux.
    Louis était debout dans la cuve du bain, devant l’âtre. Lionel eut le temps d’apercevoir les griffures blanchies qu’avaient laissées dans son dos les coups de scorpion reçus à l’adolescence. Le géant éclaboussa partout le sol autour de la cuve en se penchant pour ramasser en hâte une touaille* dont il se couvrit avant de transpercer de ses yeux étincelants le moine fautif.
    — N’éprouvez aucune honte de votre personne devant moi, mon fils. Mon regard est celui de Dieu.
    Il secoua la lettre. Louis, qui tenait la serviette d’une main autour de sa taille, hésita imperceptiblement et dit :
    — Allez m’attendre ailleurs.
    — Bien. Je serai dans mon étude.
    Quelques minutes plus tard, le bourreau à nouveau vêtu de noir de la tête aux pieds vint trouver l’aumônier. Lui aussi entra sans cogner et alla se planter devant Lionel qui était assis et qui avait posé la lettre intacte sur la table. Louis la regarda sans y toucher.
    — Qu’est-ce que c’est que ce sceau ?
    — Ouvrez-la, mon fils, et je vais vous la lire.
    Il prit la lettre et la descella. Ses yeux presque noirs parcoururent les quelques lignes et tentèrent en vain d’y reconnaître quelque chose. Il la remit à Lionel, qui la déplia pour lire à voix haute :
    Très cher maître Baillehache,
    J’espère que cette lettre vous trouvera en bonne santé. Je me porte bien, moi aussi, soyez rassuré. Je suis consciente de vous avoir laissé beaucoup trop longtemps dans l’inquiétude. Mais des circonstances qui étaient hors de mon pouvoir ont fait en sorte que j’ai été dans l’impossibilité de vous écrire avant. Ce temps d’arrêt m’était, j’en suis maintenant persuadée, devenu nécessaire.
    C’est donc après avoir mûrement réfléchi et longuement prié dans le secret que j’ai le pénible devoir de vous annoncer l’annulation de nos fiançailles, car j’ai senti l’appel irrésistible de Dieu. Je me présenterai officiellement en tant que postulante à l’abbaye aux Dames, où je réside actuellement, dans les prochains jours, afin d’y continuer mon éducation spirituelle et morale qui fut entreprise par

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