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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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fortuné de ne pas avoir été interrompu dans sa laborieuse rédaction, ni par lui ni par Toinot qui, étrangement, n’avait donné aucun signe de vie. Peut-être Louis ne l’avait-il pas appelé en fin de compte.
    Il se souvint alors des feuilles oubliées sur la table. Il en parcourut quelques-unes, les laissant tomber l’une après l’autre dans son énervement. Après avoir remis la main sur la tablette en cire qui attendait dessous, il refit le calcul une dernière fois afin d’en confirmer l’exactitude. Après quoi il entreprit la rédaction d’une seconde lettre sur son dernier feuillet neuf, beaucoup moins délicate celle-là. Elle était adressée à l’abbesse du couvent où résidait Jehanne et concernait cette histoire de dot.
    Muni d’un cheval d’emprunt, Toinot chevaucha en direction de Caen sous la pluie battante comme si sa vie en dépendait, ce qui était en partie vrai. Louis avait fini par le retrouver un peu plus tôt à l’auberge du Cheval noir d’Aspremont, et son allure avait assez clairement indiqué qu’il n’était pas d’humeur badine. Le domestique s’était vu contraint de dessaouler au plus vite sous peine d’être plongé tête première dans l’auge de la placette.
    — Et ne t’avise pas de te présenter à moi sans réponse, lui avait-il dit.
    *
    La semaine de sursis accordée par Louis s’écoula. Toinot ne revenait pas. Au milieu du septième jour, Louis sortit sa malle dans la cour sous le regard désolé du père Lionel.
    Sam était de retour. Il avait été déconcerté d’apprendre par l’aumônier qu’il n’avait plus à craindre de représailles de la part de Louis, auprès de qui Lionel avait intercédé en sa faveur. Le bourreau avait fini par consentir à déposer les armes. « Ne serait-ce que pour éviter de me faire servir un prêche sur la miséricorde », avait-il expliqué sèchement. Cette bonne nouvelle ne lui apportait pourtant aucun réconfort. Il avait passé un certain temps à errer dans la cour comme une âme en peine. Il s’assit sur la malle de Louis et, en sa présence, il fit comme si de rien n’était. Il défit les cordons de sa besace et s’empara d’un sachet ciré dans lequel il plongea la main pour y prendre une sorte de mince beignet croustillant.
    Lui qui s’était pétri de la certitude que le cœur de Jehanne allait bientôt guérir et que, grâce à son amour et à sa musique, il allait bien vite la débarrasser du mauvais souvenir du bourreau, se voyait soudain écarté en lieu et place de ce même bourreau, comme un torchon dont on ne voulait plus. Jehanne avait écrit à Louis et pas à lui. Il essayait bien de se raisonner, de se dire que la jeune fille le croyait peut-être parti de la ferme, son malaise persistait. À force de tourmenter le moine qui, lui, avait eu la lettre entre les mains, il avait fini par avoir une bonne idée de son contenu. Et, Lionel lui avait confirmé la chose : il n’y était nulle part fait mention de lui. C’était à Louis, cet être méprisable, qu’elle demandait pardon pour l’avoir quitté. C’était à Louis qu’elle recommandait de ne pas s’inquiéter. C’était pour Louis qu’elle promettait de prier. Et pour son vieil ami, rien. Pas un mot, pas même un dernier adieu.
    Louis se tint soudain devant lui, projetant sur l’adolescent assis une ombre démesurée. Sam leva la tête.
    — Je reviens d’une promenade qui m’a vraiment fait du bien. Il y a un nuage noir qui arrive du large. Un autre que vous, je veux dire. Il n’a pas réussi à me rattraper. Voulez-vous un beignet ?
    Il lui tendit son sac.
    — Non.
    Deux autres beignets dorés sortirent côte à côte et furent étêtés par la bouche gourmande de Sam, qui en examina pensivement l’intérieur blanc et tendre.
    Louis demanda :
    — Cette femme que tu as rencontrée en ville, t’a-t-elle dit quelque chose à mon propos ?
    Sam feignit de se gausser. Le beignet lui gratta hypocritement la gorge :
    — Pensez-vous ! Nous avions des sujets de conversation bien plus intéressants que celui-là. Pourquoi ?
    — Ça me regarde. Fais bien attention, Aitken. À malin, malin et demi. Peu m’importe ton âge, tu n’en demeures pas moins sous ma garde. S’il le faut, je saurai encore te remettre à ta place.
    — Je crois que je n’ai plus faim. À mon grand regret, la compagnie de certaines gens me coupe l’appétit.
    « Voilà qui est bien », songea Louis, et il dit :
    — Mieux

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