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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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talisman se consuma en quelques secondes et il lui sourit, satisfait.
    Tout de suite après, comme s’il s’agissait de quelque réponse machiavélique à son acte, la porte s’ouvrit et une main se plaqua sur son épaule. L’Écossais fut poussé dehors avec force. Il se retourna et vit Louis qui se penchait pour franchir le seuil.
    — À ce que je vois, tu aimes jouer avec le feu. Mais prends garde, Aitken. Moi aussi, j’aime ça et je t’ai à l’œil. Des fois que l’envie me prendrait de t’attacher des morceaux de soufre sous les aisselles, d’y mettre le feu et de t’envoyer rouler dans les ronces. Je pourrais en apprendre beaucoup sur ton compte avec un peu d’aide. Sorcellerie, Aitken. Sorcellerie.
    — Dites-moi franchement. Qu’est-ce qui ne va pas avec vous ? Louis arracha l’un de ses propres cheveux, l’alluma au moyen de la lanterne et le fit tomber sur la petite tache de cendre qui s’étoilait sur le seuil. Après quoi, il mit brutalement le pied dessus.
    — Pas de tes affaires. Fiche-moi le camp.
    Louis se réveilla en sursaut. Le souffle du vent qui lui parvenait atténué par les ardoises et les planches du toit avait remplacé l’assourdissante rumeur de son cauchemar, toujours le même. L’homme qu’il venait de pendre était un homme en noir. C’était lui.
    Il rabattit ses couvertures sur sa paillasse par l’un des coins et caressa distraitement la lourde courtepointe. « Pouvoir dormir seul encore », se dit-il, hanté par le souvenir spectral de son rêve. Ne pas se voir exposé à l’autre par la magie de la nuit. Ne pas avoir à redouter autant le réveil et les questions que le sommeil lui-même. Il sentit les gens de la petite d’Augignac l’enserrer. Il vit Jehanne couchée dans ce lit avec lui. Toutes les nuits. Il n’était pas fait pour se marier. « Dormir seul. Profites-en, parce qu’après… »
    Il sut qu’il allait être incapable de se rendormir ; Il se leva et s’habilla.
    La nuit était devenue subitement si tiède qu’on en oubliait presque l’absence d’étoiles. Un vent fort faisait siffler l’archère de la tour d’une manière qui eût sonné lugubre aux oreilles de Sam s’il ne s’était pas endormi tout près de là, à même les planches brutes du chemin de ronde. Il avait encore bu et s’était exilé là afin de ne pas tenir la maisonnée éveillée toute la nuit avec ses gigues endiablées. La dernière avait eu finalement raison de lui plusieurs heures plus tôt. Sa cornemuse était tombée dans le tas de foin, effarouchant les chats qui s’étaient lovés dedans.
    La porte s’ouvrit et claqua au vent sans le déranger. Les derniers chats décidèrent de sortir, incommodés par l’odeur nauséabonde d’huile noire que dégageait la silhouette qui venait d’entrer. Elle était à peine visible dans l’obscurité et ne demeura pas plus d’une minute dans la tour. Une fois ressortie, elle ramassa quelque chose qu’elle jeta négligemment à l’intérieur et s’éloigna.
    Ce fut la toux bien plus que l’odeur qui arracha Sam à son sommeil artificiel. Il se redressa. Devant lui, le mur circulaire était éclairé par une lueur vacillante. De la fumée lui piqua les yeux.
    — Au feu ! cria-t-il en se précipitant vers l’échelle avant que les flammes, qui se répandaient avec une vitesse surnaturelle, ne lui interdisent la seule issue possible. Personne n’avait dû l’entendre : le feu grondait déjà, donnant à la tour l’apparence d’une cheminée gigantesque. « Ma cornemuse », pensa-t-il soudain. Il voulut faire demi-tour, mais il était déjà trop tard : le tas de foin venait de se transformer en brasier. Les flammes montaient haut et commençaient à lécher les piliers de soutien du chemin de ronde ainsi que l’échelle. Des étincelles jaillirent de la fournaise et manquèrent lui enflammer les cheveux. Il eut tout juste le temps de bouler dehors.
    — À l’aide ! Au feu ! Au feu !
    Étouffé par ses sanglots et la fumée, il dut en rester là. Personne n’allait venir : la tour était construite trop loin de la maison et des bâtiments de ferme, ce qui, en conséquence, mettait ces derniers hors de danger. Nul ne devait être témoin du drame non plus, à moins qu’un insomniaque chronique tel que le père Lionel ne se lève pour marcher jusqu’à une fenêtre de laquelle il pourrait apercevoir les lueurs. Et là encore, on n’allait pas exténuer tout le monde à puiser des

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