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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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Lorsque vous écrirez au sieur Flamel, faites-le-moi savoir, mon père. J’aimerais moi aussi lui écrire un mot de remerciement.
    — Je n’y manquerai pas, ma fille.
    Elle se mit à étudier une miniature qui représentait la jacquerie. Louis se pencha aussi sur le livre et tapota l’image du doigt :
    — Je reconnais ça. C’est la porte Saint-Antoine. Lui, celui qui a les clefs dans les mains, c’est Etienne Marcel, le prévôt des marchands. L’autre doit être Maillart.
    — Je pourrai vous en faire la lecture.
    — Non, ce n’est pas la peine pour ce bout-là. Je sais ce que c’est. J’y étais.
    — Que me dites-vous là ?
    — J’étais à Paris quand c’est arrivé. Il y a des choses dans ce livre que je pourrais moi-même vous raconter. Tenez, ça par exemple.
    Il tourna les pages et désigna une miniature où l’on voyait un homme en haillons, assis sur une cathèdre* et ceint d’une étrange couronne rouge. Jehanne lut la légende qui avait été écrite au bas de l’illustration et s’exclama :
    — Guillaume Carie ! Le chef des insurgés. J’en ai beaucoup entendu parler. Vous l’avez vu ?
    — Plus que ça. Je l’ai exécuté.
    Jehanne blêmit. Il s’éclaircit la gorge, vaguement honteux de ne pas avoir réfléchi avant de lui montrer cela. Il lui reprit le livre des mains pour trouver de quoi lui changer les idées.
    — Tenez. Maupertuis.
    — C’est vrai, je me souviens que vous nous en aviez parlé durant notre séjour dans l’abri souterrain. C’était passionnant.
    Des visages se tournèrent vers eux, soudain intéressés.
    — Ouais, dit Louis, qui réclama d’autre vin pour ne pas avoir à faire récit de la chose comme un vantard encensant ses exploits guerriers.
    Il frotta pensivement ses lèvres minces avec le côté du pouce. Il se sentait tendu, incapable de se prélasser sur son trône malgré l’apparente quiétude de son royaume. Un léger malaise palpitait au creux de ses reins et il en connaissait trop bien la provenance : il naissait de l’absence de tout désir sexuel, ou plus exactement de son appréhension de voir Jehanne finir par se rendre compte que quelque chose ne tournait pas rond chez lui. Il se trouvait soudain bête de s’être laissé entraîner dans cette histoire de mariage sans s’être mieux préparé à affronter ses conséquences ; en outre, il avait commis l’imprudence de s’être trop pris d’affection pour cette créature frêle qui le déconcertait. Qu’allait-il arriver à Jehanne, maintenant, puisqu’il portait malheur ? Et voilà qu’à présent, devant le fait accompli, il s’étonnait de se sentir à l’étroit dans ses nouveaux vêtements d’homme marié. Il se souvint qu’il ne connaissait à peu près rien aux femmes. Même si Jehanne était différente, celles qu’il avait connues lui avaient toujours causé plus de tort que de bien. La tête d’une femme est pleine de méandres obscurs dans lesquels un homme peut s’égarer à tout jamais. Les femmes possèdent un sixième sens qui leur fait voir les choses autrement, les dimensions qui demeurent hors de portée du champ visuel masculin. Louis craignait vaguement cette aptitude, comme d’ailleurs toute chose inconnue de lui. Pourtant, lui-même se savait pourvu d’un sixième sens qui lui envoyait parfois des mises en garde fort utiles.
    Ce jour-là, son sixième sens lui dicta : « Fais attention. Ne va pas trop loin. Surveille-la. Mais surtout, surveille-toi. »
    Les estomacs se trouvèrent peu à peu préparés dans les règles de l’art pour l’assimilation des premières gourmandises, des aliments froids et humides qui étaient d’avance copieusement arrosés. Trop par certains, dont les rires gras émaillaient les bavardages. Tout le monde fut convié à table.
    Desdémone était de fort méchante humeur. Elle avait tenté, jusque-là sans succès, de se trouver des raisons de ne pas l’être. Elle se demanda ce qu’elle était venue faire ici. C’était inutile, cela ne faisait que raviver sa vieille blessure. Quel espoir de vengeance avait-elle pu couver en secret ? Ce n’était après tout qu’un stupide banquet de noces.
    Elle en voulait à Bertine, la maquerelle, d’avoir semé le doute dans son esprit, elle qui lui avait certifié que le patron était bien loin de l’image qu’elle s’en était faite et qu’il lui fallait à tout prix, pour la sauvegarde de la meilleure maison close de Caen, user à bon

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