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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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Desdémone la remercia et poussa un profond soupir.
    — Les serviteurs sont occupés et j’ai remarqué que vous aviez l’air fatigué, fit Jehanne.
    — Je suis fourbue et j’ai mal aux pieds, dit-elle avec son habituelle franchise brutale.
    — Dans ce cas, mettez-vous à l’aise. Ici, vous pourrez cacher vos pieds sous la table et retirer ces chaussures sans que personne ne vous voie.
    Elle lui fit un clin d’œil malicieux. Desdémone eut un rire contraint. Ce ne fut pas consciemment que Jehanne prit place entre Sam et elle pour bavarder. Elle avait remarqué que cette femme était non seulement fatiguée, mais seule la plupart du temps. En outre, il y avait quelque chose de familier dans ce visage usé, amer.
    — Je suis étonnée, dit-elle, de voir autant de monde, d’autant plus que Louis – ça me fait tout drôle de l’appeler comme ça – n’a plus de parenté directe et moi non plus. J’ai quand même eu le bonheur de rencontrer sa famille par alliance. Ils sont boulangers, vous le saviez ? Il y a sa sœur, son mari et leurs enfants. Ils habitent loin, à Paris. Je dois avouer que je ne connais presque personne ici et j’ai envie de lier connaissance avec les invités. Il me semble vous avoir déjà vue quelque part, mais je n’arrive plus à me souvenir où.
    Desdémone dut faire vite pour trouver de quoi justifier sa présence. Elle espéra que Louis allait avoir la décence de se montrer discret à son sujet. Elle dit :
    — C’est très aimable à vous d’être venue me voir. Je suis la belle-sœur d’un cousin de ce boulanger et j’habite fort loin. Vous devez m’avoir confondue avec quelqu’un d’autre.
    — Ah bon. C’est effectivement possible.
    — Ça devient de plus en plus rare, des gens comme moi, dans les réunions de famille, à cause de la guerre.
    Entre-temps, Louis avait regagné sa place. Ses prunelles s’attisèrent en se posant sur Sam et Desdémone, qui firent tous deux semblant de ne pas le remarquer. Mais Desdémone put éviter toute forme de représailles grâce au papotage anodin de la trop jolie mariée. Le père Lionel se joignit à elles, puis Hubert. Le français du jeune Écossais était redevenu presque impeccable et ce à quoi il l’employa fit tant rire la courtisane qu’elle ne regretta plus d’être venue.
    Un peu plus tard, Sam à lui seul avait remplacé tous les autres auprès de Desdémone. Il flirtait si ouvertement avec elle que c’en était indécent. Assez rapidement, la tête de celle-ci se mit à tourner et le vin n’y contribua pas beaucoup. À présent, il lui souriait sans plus dire un mot. Soudain elle lui ordonna, alors que personne ne leur prêtait attention :
    — Arrête-moi ça tout de suite, mon beau petit noceur ! Ton bredi-breda* nous fait continuellement repérer. Tu ne sais donc pas à qui tu as affaire ?
    Sam abdiqua, non sans feindre une certaine déception. Car des gens s’étaient effectivement tournés vers eux. Il se leva et dit à voix haute :
    — Bon, comme vous voudrez, ma belle. Je m’en fous. De toute façon, j’en aime une autre.
    Il contourna la table et, d’un coup de hanches dans le dos, il poussa Louis qui enfonça le nez dans son gobelet en couvrant les alentours d’éclaboussures.
    — Oups ! pardon. Plus le temps passe, plus le sol est inégal, vous ne trouvez pas ?
    Tout le monde riait aux éclats. Éberlué, le bas de la figure dégoulinante, Louis n’eut pas le temps de se tourner et d’allonger la jambe pour faire à l’insolent un croche-patte bien mérité. Le vin lui piquait les muqueuses du nez et il fut pris d’une crise d’éternuements.
    Desdémone avait tout compris. Et elle sut soudain qu’elle avait eu raison de se déplacer pour cette fête. Elle noya son sourire ravi dans sa coupe de vin.
    Arrivèrent les premiers pâtés en croûte, accompagnés de poulardes glacées au miel servies avec des morceaux de pommes confits et légèrement saupoudrés de cannelle. En dépit des quartiers de viande qui tournaient sur leurs broches ou qui rôtissaient sur un gril – porc frais, agneau et veau, qui constituaient normalement l’apanage des maisons seigneuriales – on avait prévu de bons pot-au-feu. La basse-cour et le marché avaient fourni quelques oisons que Margot avait pourbouillis* dans du lait avec un bâton de cannelle pour chaque volatile, presque toute sa provision de gousses de cardamome, une poignée de clous de girofle, trois petites

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