Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
Vom Netzwerk:
s’était même donné la peine d’apporter une petite harpe. Seul Sam ne bougea pas de sa place. Les musiciens se concertèrent et, d’un commun accord, ils attaquèrent les premières gigues de la veillée.
    — Allez, allez, bande de paresseux ! cria l’un d’eux. Bougez-vous donc un brin, c’est bon pour la digestion !
    Mais les mariés ne faisant pas mine de vouloir se lever, nul autre ne le fit et la gigue endiablée ne fit danser que les cœurs.
    Jehanne regarda Louis. Elle avait remarqué que beaucoup d’autres faisaient comme elle et lui jetaient de fréquents coups d’œil. Louis ne souriait pas. Il ne voulait pas danser. Sans les stimuli de l’alcool, cela n’eût pas été aussi pénible à Jehanne. Elle avait envie de s’amuser. Elle lui demanda pour la dixième fois :
    — Est-ce que ça va ?
    Et, pour la dixième fois, il répondit :
    — Oui.
    Après un moment, elle se risqua enfin à demander :
    — J’ai le diable au corps. On va danser ?
    Il tourna la tête vers elle. Sans savoir pourquoi, elle en fut intimidée. Elle croisa les mains sur son giron et baissa la tête.
    — Pas tout de suite, dit-il.
    — D’accord.
    Il voyait bien qu’elle en était déçue et chercha une façon de lui faire oublier cette déconvenue. Il prit son gobelet de vin et le porta aux lèvres de Jehanne. D’abord surprise par ce geste romantique, elle ne fit que lui sourire. Elle but une gorgée et dit :
    — C’est drôle, on dirait que le vin est meilleur, bu de cette façon. Tenez, laissez-moi vous faire essayer.
    Elle réclama le gobelet et l’approcha des lèvres de son mari, qui en but plusieurs généreuses gorgées. Elle rit et retira le gobelet.
    — Mais arrêtez, goinfre ! Vous allez le finir !
    — C’est vrai qu’il est meilleur, dit-il.
    Et il emprisonna les deux mains de la jeune femme autour du gobelet pour le porter de nouveau à ses lèvres. Après qu’elle en eut bu elle aussi plusieurs gorgées, il ramena le gobelet vers lui.
    — Ha ! Ha ! Je vous ai bien eu ! dit-elle. Il n’y en a plus.
    — Si, il en reste.
    Il fit tourner le gobelet dans leurs mains et posa les lèvres là où elle avait posé les siennes afin de boire les toutes dernières gouttes. Ils se regardèrent. Le feu monta aux joues de Jehanne.
    — Eh ! Regardez un peu ce qui se passe par là avec nos amoureux ! cria un ménestrel ravi.
    Tout le monde se mit à acclamer le couple et la musique reprit de plus belle. Louis héla Blandine et réclama d’autre vin. Jehanne jubila lorsqu’elle vit le pied de Sam battre la mesure. Mais le pied fut promptement ramené à l’ordre dès que le jeune homme s’en aperçut. Il adressa au couple un air de reproche. Jehanne lui dit :
    — Vas-y, Sam. Joue-nous de ta musique, toi aussi.
    — Bonne idée, dit Louis.
    L’Escot* n’osait refuser quoi que ce fût à son amie. Il se leva et se rendit dans l’aire, sa tête cuivrée ébouriffée par la brise qui forcissait. Ses bras ballants semblaient désœuvrés sans son inséparable cornemuse. Un flacon plat dépassait de la poche de ses chausses.
    Le crépuscule tombé, le monde s’installa comme pour attendre. Le dernier oiseau laissa son trille suspendu et ne le termina pas, tout souci artistique s’étant interrompu pour la nuit. Louis imita son univers : il attendit, lui aussi. Tous les convives avaient atteint divers stades d’ébriété, y compris Louis lui-même. Pour la première fois de sa vie, il se sentait disposé à s’y abandonner un peu. Il s’appuya légèrement de travers contre le dossier de sa chaise pour observer les chanteurs, sans s’apercevoir que Jehanne s’était levée pour aller grignoter une pâtisserie citronnée. Lui aussi quitta sa place pour un banc plus près du feu et se versa du vin. Sa femme revint vers lui et lui fit face en se léchant les doigts. Elle s’accroupit et ses bras lui entourèrent les épaules, l’obligeant à se pencher un peu. Il baissa la tête. Les fleurs ornant le fronteau qui la couronnait frémirent sous son souffle. Il sentit qu’une main fine lui soulevait le menton et dégrafait son col. Il fut si étonné de cette audace qu’il la laissa faire.
    — C’est tout chaud, dit-elle en faisant un trait vertical le long de sa pomme d’Adam.
    Elle se releva légèrement. Des cheveux fous chatouillèrent la figure de Louis alors que les lèvres de Jehanne se posaient partout sur sa gorge comme des papillons errants. C’était

Weitere Kostenlose Bücher