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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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samedi, mon champion. Bonne nuit, maître Baillehache.
    Ses escarpins ne firent aucun bruit dans le couloir désert. Elle alla rejoindre d’Asnières qui se relevait et lui caressa affectueusement la joue.
    — Qu’avez-vous fait là, ma tante ?
    — Ai-je réellement besoin de t’expliquer, mon neveu ? lui demanda-t-elle dans un murmure.
    D’Asnières regarda en direction de Louis qui avait toujours à la main l’écharpe délicate d’Isabeau. Elle ressemblait à une petite colombe blanche qui se serait perchée dans la main en pierre d’une statue.
    — Oh, je crois que j’ai saisi, dit soudain Philippe avec une admiration non feinte.
    Sa tante avait le génie de l’intrigue.
    *
    — Bonsoir, maître, dit Desdémone en ouvrant à Louis la porte de la chambre qui lui était dévolue.
    La servante avait appris beaucoup plus tôt qu’un coin de plancher près du feu n’allait pas convenir à un invité du roi et que des quartiers avaient déjà été prévus pour lui. La grande chambre où il fut introduit l’intimida dès qu’il en franchit le seuil : un bon feu flambait dans l’âtre, illuminant un lit à baldaquin si vaste que six personnes auraient pu s’y étendre à l’aise. Outre le lit et son petit escabeau, on y avait disposé deux faudesteuils*, un prie-Dieu aux incrustations d’ivoire et une ancienne crédence*. Au-dessus du lit, un crucifix distillait ses luisances vernies à la lueur vacillante d’une chandelle.
    La malle usée du bourreau avait été poussée dans un coin, près d’une table où un broc rempli d’eau fraîche attendait. Un paravent tendu d’une ancienne tapisserie avait été ouvert près du mur du fond où une porte donnait sur un étroit lieu d’aisance. Une seule fenêtre mince s’ouvrait sur la cour bruyante. Les nobles hôtes de Charles eussent trouvé cette pièce trop rustique et son isolement eût porté ombrage à un statut social pour lequel ils devaient sans cesse jouer de finesse. Louis, quant à lui, y vit un luxe d’autant plus inquiétant qu’il lui avait été réservé. À elle seule, cette pièce était plus vaste que le rez-de-chaussée de sa maison. Tout y avait été soigneusement récuré et une jonchée fraîche embaumait le plancher. Un agréable parfum de lavande s’exhalait du lit.
    — Avez-vous besoin d’autre chose ? demanda timidement la servante dont il avait oublié la présence.
    — Non. Laisse-moi.
    — On m’a demandé d’aller rejoindre les autres domestiques.
    — Alors vas-y.
    — Bien. Bonne nuit, dit-elle, déçue, avant de refermer l’huis. Louis s’avança et mit la barre avant de s’adosser à la porte.
    Il avait plus que jamais besoin de solitude pour remettre un peu d’ordre dans ses idées. Il détacha sa ceinture d’armes et son baudrier en cuir rouge. Il s’avança jusqu’au lit sur lequel il grimpa pour s’y asseoir. Le matelas de plumes en était moelleux. Il demeura là un moment sans bouger, pensif.
    L’élan qu’il s’était donné pour atteindre Firmin ne s’était pas arrêté avec la mort de celui-ci. De bouche à oreille, de rumeur en fable et sans qu’il en ait rien su, le nom de Baillehache avait continué son ascension jusqu’au trône d’un roi. Cela avait contraint son propriétaire à s’infiltrer dans un monde qui n’était pas le sien et il n’aimait pas ça. « Qu’est-ce que je fais ici ? » Cette question sans réponse volait autour de sa tête comme une mouche affolée cherchant une issue. Lui qui s’était fait à l’idée de voir surgir à peu près n’importe quoi dans son existence, ce qui lui arrivait n’était jamais ce à quoi il s’attendait. Après la peste et la guerre, après s’être fait arracher les siens et le pain des mains pour recevoir à leur place un manche de hache, voilà qu’il allait devoir se ridiculiser à des joutes. Il se sentait comme un pion noir sur quelque immense échiquier dont il ne connaissait même pas les règles. Cela l’écœurait. Il n’avait d’autre choix que d’attendre de voir à quel jeu cruel allait encore se prêter le Destin avec lui. Mais cette partie d’échecs semblait ennuyer Dieu, qui avait résolu d’en accélérer la fin en dissimulant des pièces sur Ses genoux.
    Louis s’étendit sur le dos, par-dessus l’édredon intact, sa dague soigneusement camouflée sous ses mains qu’il avait croisées sur son estomac.
    *
    La quintaine* le frappait si fort dans le dos qu’elle lui vidait les

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