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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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et, en sortant, chuchota à la fillette :
    — On dirait un corbeau sur une souche.
    Quelques minutes plus tard, Louis sortit en guidant la jument placide. Cela ne pouvait signifier qu’une chose : qu’il permettait au garçon de seller lui-même Tonnerre et de l’emmener. Malgré l’amertume que les réprimandes du maître avaient suscitée, il ne parvint pas à contenir son enthousiasme et il se hâta de pénétrer dans la stalle du beau cheval noir.
    Hélas, les choses ne se déroulèrent pas comme Sam l’eût souhaité. Si Tonnerre accepta de le suivre hors de l’écurie, ce ne fut pas sans armer les lèvres*. Et, une fois dehors, il se mit à armer avec tant de vigueur que le garçon dut finalement abandonner les guides à son maître. Nul n’arriva à comprendre pourquoi Tonnerre s’était comporté ainsi. Pas même Louis. Ce fut sans doute la raison pour laquelle le métayer n’adressa au gamin aucun reproche. Sam en fut d’ailleurs étonné.
    Après leur promenade à cheval, ils laissèrent les deux bêtes prendre l’air dans le préau derrière la maison.
    Un peu de jeune neige était tombée la veille, mais elle avait déjà disparu pour laisser place à une humidité somnolente. La nature n’était plus qu’un canevas triste qui attendait que son peintre eût nettoyé ses pinceaux : les derniers jaunes cuivrés s’étaient déjà dilués dans l’eau de novembre, mais le blanc et les doux pastels de l’hiver ne les avaient pas encore remplacés.
    Louis aimait ces journées d’automne dédaignées des promeneurs à cause de l’absence de soleil. Elles étaient si calmes. C’était le premier véritable jour de repos qu’il s’accordait depuis son arrivée au domaine. Les dimanches précédents, il avait toujours fait en sorte de quitter la maison pour les champs avant l’aube et avant que les autres ne fussent levés. Mais, ce matin-là, il n’y avait pas eu d’échappatoire possible. Margot y avait veillé et s’était levée une demi-heure avant lui pour l’épingler à ce sujet.
    — Savez-vous quel jour on est ? lui avait-elle demandé.
    — Non.
    — On est dimanche
    — Ah. C’est vrai.
    — Ce n’est pas parce que nous sommes loin de tout que l’on doit oublier de respecter le jour du Seigneur.
    — Bon.
    Louis avait alors traîné dans la maison, désœuvré, si bien que Margot avait commencé par regretter de l’avoir remis à l’ordre. Elle n’avait pas soupçonné à quel point sa présence silencieuse et son regard scrutateur pouvaient être pénibles à supporter à la longue. C’était donc avec soulagement qu’elle avait accueilli l’idée d’une promenade à laquelle les enfants – non conviés, bien entendu – s’étaient spontanément joints. Ils laissèrent les deux montures caracoler dans le préau et partirent à pied.
    Sans trop y avoir pensé, le trio se retrouva dans le bois et dépassa la tour. À partir de là, ils durent marcher en file sur l’ébauche d’un sentier. Louis prit les devants et distança quelque peu ses compagnons dont la conversation intense ne se trouva aucunement perturbée.
    Ils grimpèrent un escalier de pierres plates avant d’atteindre un sentier qui serpentait dans la petite colline. La végétation, lasse et froissée, brunissait. De longues herbes rêches crissaient sous la brise. Obstinées, elles allaient être les dernières à ployer l’échine sous la neige. On trouvait encore, dans certains replis secrets du sentier, de ces adorables feuilles dont les bouleaux aux membres blancs faisaient généreusement l’aumône. Elles ressemblaient à des monnaies sarrasines semées sur le sol de la caverne d’un Templier. L’écorce charnelle de ces arbres avait les reflets crémeux de la soie ; elle donnait à tout enfant qui se respectait l’envie irrépressible d’en emporter un lambeau dans sa poche.
    Louis ne prêtait aucune attention aux charmants babillages de Jehanne. Il lui fallut un moment pour se rendre compte que, pour une raison connue de lui seul, Sam avait fait demi-tour et que c’était à lui que la fillette s’adressait. « Que me veut-elle ? » se dit-il, alors qu’il lui faisait face avec une subite inquiétude.
    — C’est vrai qu’il y a des fontaines de vin, chez le roi ? demanda-t-elle, faisant sans le savoir référence au faste débridé des Valois.
    — Je n’en ai pas vu. Il me semble que c’était plutôt chez le roi Jean.
    — Cela doit être beau à voir,

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