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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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comme dans la Jérusalem céleste, toutes les plus insignes parures de la société parisienne. Tout en haut, sur les quatre côtés de la salle, et même au-dessus de la scène, courait le monumental péristyle à colonnes bondé de spectateurs debout qui se harpignaient pour occuper la balustrade.
    – Vous êtes en retard ! lança la piquante Diane de Solsac en accueillant ses deux amis, il est vrai que c’est une occasion rêvée pour se pavaner et s’offrir mollement au regard des demoiselles… Mon Dieu ! comme vous voilà mis ! enchaîna-t-elle en détaillant Victor qu’elle poussa du côté du vide pour mieux l’exposer au brillement des lumières.
    Elle fit glisser ses doigts agiles entre les ganses de l’habit couleur cheveu, surprise que madame Davignon avait faite à son neveu le matin même.
    – Compliments, mon cher ! l’insolenta-t-elle, vous voici cette fois tout à fait roulé dans la farine de Paris.
    Elle s’effaça insensiblement en partant de son rire cristallin pour découvrir un grand garçon plutôt mafflu et légèrement gravé par la vérole qui s’était tenu jusque-là dans son ombre :
    – Mon vieil ami, Gabriel de Sainte-Austremoine… Vous le connaissez, ajouta-t-elle à l’adresse de Jean-Hercule, il logeait chez madame de Fontalon quand il n’avait pas cette affreuse bavette 158 au cou. Il est un de ses lointains parents ; elle le traite en neveu tout comme moi en nièce.
    – C’est exact, opina le vidame, nous nous étions même, je m’en souviens, légèrement échauffés sur la question espagnole… C’était avant que Charles II ne meure, vous disiez que la succession irait aux Allemands ; moi je soutenais que la France gardait toutes ses chances.
    – Les événements vous ont donné raison, répliqua l’ami de Diane. L’Espagne possède un roi français, reste à savoir si elle le gardera.
    – Ah, non ! pas ce soir, se récria la jeune fille qui ne détestait rien tant que les discussions politiques, nous sommes ici pour l’opéra et puisqu’on dit grand bien de ce Tancrède , je ne suis pas disposée à laisser entamer mon plaisir.
    – Voyez comme elle parle ! railla le vidame, elle que j’ai connue si prévenue contre les musiciens français.
    – Sur ce point non plus je n’ai pas varié, reprit l’impétueuse, la musique française est couramment rébarbative et je suis convaincue que nous n’assisterons ce soir qu’au réchauffé des grandes machines de ce pauvre Lully… Pouvez-vous m’expliquer pourquoi ce royaume, qui depuis cinquante ans donne le la aux Beaux-Arts par toute l’Europe, ne sait rien produire d’autre que des rythmes de bateleur.
    – Je vous trouve tout à fait injuste avec nos Delalande, Charpentier, du Mont, Bernier et Minoret, protesta le vidame.
    – Leur musique, répliqua Diane en s’emportant, quincaille comme les beuglons 159 qu’ils font couiner à longueur de portée… Ce sont des faiseurs d’airs pour cavalcade, point ce que j’appelle moi des musiciens.
    Victor s’entremit avec une autorité mêlée de douceur dont Diane parut charmée. Il lui donna du madame dans cet ancien style qui n’était alors usité qu’en province où l’on continuait de nommer ainsi, mariées ou pas, toutes les femmes noblement nées.
    – Vous avez raison, madame, les Français ont l’esprit trop concret pour inventer des ritournelles qui fassent chavirer l’âme… D’après ce que j’ai pu déchiffrer de leurs œuvres dans mon Rouergue, il leur manque presque toujours cette faculté de s’évader par l’imagination si imprégnée au caractère allemand ou italien…
    – Ils sont loin aussi de la fantaisie gracieuse des Anglais, enchaîna la jeune fille qui s’était prise à sourire de contentement, je travaille en ce moment quelques airs de Purcell… Voici bien l’un des grands musiciens de ce temps !
    – Comment, monsieur de Gironde, se récria le vidame en feignant un douloureux étonnement, vous êtes à Paris depuis bientôt deux mois et vous n’avez encore jamais assisté aux concerts de Diane ?
    – Moquez-vous ! pesta la jeune fille, il en aura tant qu’il voudra, lui, depuis que je lui connais des avis pertinents sur la chose. Quant à vous, parce que je suis bien décidée à ne plus jeter de perles aux pourceaux, vous n’y viendrez plus.
    – Vous ne le saviez pas encore, reprit Jean-Hercule toujours brocardant, Diane connaît par cœur tous les rôles mâles et femelles du « King Arthur ».
    – Dame

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