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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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justice ! s’opiniâtra notre héros.
    – On ne raisonne point à propos d’usages aussi anciens ! répliqua le capitaine, les juges de tous temps ont fermé les yeux lorsque nous nous sommes mêlés de corriger ceux qui troublaient leur magistère.
    – Je suis le neveu du conseiller Davignon et je vous garantis, si vous ne me le remettez pas sur l’heure, que je ferai demander enquête sur les sévices que subit ce garçon.
    – Et que prétendez-vous faire de cette loque jésuitesse ? fit le capitaine à peine impressionné.
    De broc en bouche, Victor inventa une histoire sur l’air de badiner :
    – Vous avez cent fois raison, messieurs, de vouloir maintenir la paix dans cette enceinte mais, à cogner de la sorte, ce jeune homme ne pourra bientôt plus faire son profit de vos leçons… Je compte, pour ma part, lui fait entendre autrement que par violence le respect qu’on doit à ces Messieurs du Parlement.
    – Vous avez du goût pour les croisades ! reprit le capitaine goguenard… Voyons si vous êtes également homme d’esprit !… Combien nous donneriez-vous pour avoir le plaisir d’instruire ce jeune braque ?
    – Deux louis ! répliqua Victor en mettant la main à son gousset, c’est l’argent qui devait régler tous mes plaisirs jusqu’à la fin de l’année mais je vous l’abandonne volontiers.
    – Bah ! fit le capitaine en continuant de railler. Noël approche et vous regarnirez vite votre bourse… Me voici bien déçu pourtant car je m’étais figuré les gens de votre monde plus dispendieux en fredaines.
    – Je suis du Rouergue et je n’ai pas l’habitude de jeter l’argent par les fenêtres ! répliqua audacieusement Victor, à cette seconde aristocrate jusqu’au bout des doigts puisqu’il ne possédait vraiment en tout et pour tout que la somme qu’il offrait.
    Dès que les deux pièces d’or eurent changé de mains, le prisonnier fut délié et poussé dans les bras de son sauveur où il s’écroula sans haleine.
    – Je vous le livre bien volontiers, reprit le capitaine, persuadé qu’il ne vaut pas ce que vous m’en donnez et que je me soulage par là d’une fort mauvaise explication à fournir à ses maîtres…
    Il redoubla de grâces facétieuses et ouvrit le passage à reculons en faisant pirouetter son tricorne dont il avait posé une pointe sur le bout de son index.
    Victor et son captif, pour lors dans l’état du chrétien tiré par un lazariste de plusieurs lustres de geôle barbaresque, dégringolèrent des escaliers de bois, arpentèrent des couloirs empestant l’urine, traversèrent des vestibules glacés avant de se noyer, le cœur près de se rompre, dans la foule de la vaste galerie marchande.
    Cette salle, fameuse depuis saint Louis, reconstruite par Salomon de Brosse après l’incendie de 1618, était le lieu où grouillait ce concentré mêlé de misère et d’opulence, de vice et de candeur, qu’a toujours traîné après elle la justice. C’était Babel ou plutôt Babylone. On y vendait des livres, de la toilette et des simples 191 . On y tenait, entre deux rideaux sales, des tripots volants où s’engloutissaient d’avance, au plus grand jeu du monde, les espérances des procès. On y mangeait, on y buvait ; les gourgandines y cherchaient leurs clients. Il y avait même toute une foule de galvaudeux qui demeuraient là sur place, à la nuit tombée, se tapissant derrière les portes, se carrant dans l’encoignure des fenêtres, se confondant dans l’ombre avec les statues de pierre qui montaient dans cette ancienne demeure des rois une garde hiératique et altière.
    – Merci, monsieur, haleta en s’adossant au fût d’une colonne le jeune novice à l’habit tout en désordre, il faut être bien fol, innocent et faible comme je suis, pour se mêler de tenir tête à tant de gens aguerris et cruels… Vous m’avez, c’est certain, sauvé d’une mort affreuse.
    – Laissons cela ! dit Victor, je m’intéresse au sort de Brandelis de Grandville et je voudrais savoir pourquoi vous avez pris, tout à l’heure, si ouvertement son parti.
    – Je me nomme François Guyot, issu d’une famille de pauvres haricotiers du diocèse de Beauvais… Je suis l’obligé de l’abbé de Grandville qui a daigné jeter les yeux sur moi lorsque j’ai soutenu mon acte de tentative 192 . Il m’a ensuite procuré un emploi de maître d’internat pour me permettre de poursuivre des études que le manque d’argent allait me contraindre de

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