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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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son président entré en tenant à la main son mortier au simple galon d’or 186 , elle vint se découvrir en rang devant les ducs. Vendôme répondit par un petit hochement de la tête qui intimait à cet alignement de robes en génuflexion d’entrer dans le vif de l’affaire.
    – Il n’y a donc point d’accusé ? s’étonna Payen en lorgnant vers la cage où l’on était accoutumé de placer les prévenus.
    – Monsieur le Président, il s’est dispensé de comparaître, lui répondit depuis son pupitre un greffier au teint de coing affublé d’une calotte de bureau râpée qui lui bâillait sur le front.
    – Huissiers ! ordonna le magistrat, la bouche tordue d’un rictus crapuleux, allez quérir au-dehors !
    Sur cet ordre, deux vieillards, portant le collet vidé et branlant du chef, s’armèrent de leurs verges et gagnèrent le péristyle qui précédait la salle d’audience. On entendit à plusieurs reprises rouler sur des accents chevrotants le nom de Brandelis de Grandville.
    – L’accusé fait défaut ! annonça le plus âgé des deux officiers en reparaissant.
    Le groupe de connaisseurs qui se pressait aux premiers rangs fut immédiatement agité d’un murmure réprobateur. On allait se trouver grugé de cet essentiel piment du ragoût judiciaire : les mimiques du prévenu qui joue sa tête.
    – Fort bien ! reprit Payen en faisant sauter les rebras de sa toge, la cour déclare l’abbé de Grandville contumax et décide d’entamer en son absence l’examen du cas privilégié 187 que constitue son crime.
    D’un geste, il ordonna qu’on déposât le sac de l’instruction sur une petite table placée au-dessous de la tribune puis il fit signe au greffier de commencer la lecture de l’acte d’accusation :
    – Le sieur Brandelis de Grandville, docteur en théologie, vicaire de Saint-André-des-Arcs, est accusé, en contravention avec les édits et ordonnances royaux, de s’être procuré des reliques anciennement vénérées…
    – Et authentifiées selon le droit canon, intervint Payen en interrompant la lecture, j’ai remarqué que cela ne figurait pas à l’acte mais il convient de l’ajouter incontinent.
    – D’avoir eu commerce avec des prêtres suspendus de sacrements, enchaîna le greffier, avec des receleurs convaincus de crimes, des athées et des juifs qu’il a poussés sciemment à souiller ces objets sacrés…
    Le président arrêta le lecteur d’un nouveau mouvement de la main :
    – Ce crime contre la religion, précisa-t-il, a été placé sous la juridiction du parlement parce qu’il est à ranger parmi les plus odieux et qu’il est punissable de mort… D’ailleurs, messieurs, les faits sont si peu discutables que la poursuite de cette lecture s’avère, à mon sens, tout à fait inutile… Tout le monde a pu se convaincre au cours de l’instruction du caractère irréfutable des preuves que détient cette cour.
    Il désigna, au centre du parquet, une seconde table encombrée pêle-mêle de gaines en cuir ou carton et de grébiches grossièrement ficelées.
    – Des boîtiers de reliquaires vidés, des lettres de la main du parvenu dont on pourra comparer l’écriture avec celle des reçus que quelques personnes éprises de rectitude se sont empressées de remettre à la justice…
    – Qui ? s’écria tout à coup un jeune homme resté près de la porte et qui, depuis plusieurs minutes, traduisait par de violents soupirs l’écœurement qui le gagnait à contempler ce simulacre de procès.
    – On n’interrompt pas le président lorsqu’il parle ! s’exclama un jeune conseiller à la face pleine de croûtes qui siégeait à droite de Payen.
    Le perturbateur, qui portait le petit collet des jésuites novices, sans doute un ami de Grandville, se vit aussitôt cerné par quatre gardes de la prévôté qui mirent à l’unisson la main à la poignée de leur sabre.
    – Voici un beau sanhédrin et des phrases méchamment entortillées ! grommela le jeune homme d’un ton de voix rabaissée mais audible.
    – Taisez-vous ! ordonna, en lui assénant un coup de poing en plein dos, un capitaine qui portait un galon d’argent au coin de son tricorne.
    Payen, offusqué d’avoir été interrompu, s’arma de ses besicles jusque-là pendues par un fin fermaillet d’or à l’une des boutonnières de sa toge et abaissa son regard de la lanterne 188 à la porte du prétoire.
    – Nous saisissons cette occasion, reprit-il d’un ton de voix forcé, pour

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