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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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considéra le second cocher toujours penché sur son ouvrage.
    – Viendras-tu, toi aussi ? lui demanda-t-il.
    – Que m’importe d’autres selles et d’autres harnais ! répondit l’homme en recommençant à bougonner, je suis fatigué de ceux qui me restent à faire briller qui, si je cesse d’astiquer, feront avec mon blanc d’œuf une omelette plus dure à décoller que le lard de la couenne.
    Maître Jean sortit le premier après s’être emparé d’un flambeau pendu à un râtelier. Le cocher lui emboîta le pas. Ils gravirent l’escalier elliptique, écaillé de salpêtre, qui faisait communiquer les quatre niveaux de caves avec l’ancienne courtine des chevaliers du Temple.
    Avant qu’ils aient pu atteindre l’étage, quatre hommes coiffés de claque-oreilles, qu’on eût pu croire surgis de la muraille tant ils fondirent prestement, se jetèrent sur le cocher qui fut happé dans un souffle.
    – Trahison ! put seulement articuler celui-ci avant que la main du sellier, qui venait de faire volte-face, ne s’abatte sur sa bouche.
    Ce maître Jean, qui n’était en fait que Balthazar de Rognonasse jouant un rôle de sa composition, retrouva à la même seconde son accent de Gascon et sa dague qu’il venait de tirer d’une manche.
    – C’était donc toi, drôle, menaça-t-il, tu viens de t’en vanter, qui conduisait le duc hier à sa sortie du parlement ?
    – Oui ! gémit l’homme qui sentait un acier froid pénétrer dans son ventre.
    – Qu’avez-vous fait du jeune homme qui était monté dans le carrosse ? demanda Rognonasse faisant effort pour rabaisser le timbre naturellement terrible de sa voix.
    – De qui parlez-vous ? hoqueta le prisonnier qui fut dans la seconde estafilé sur chaque joue… Pitié ! pitié ! supplia-t-il, reprenant son souffle pour rappeler sa pomme d’Adam, je vous dirai tout.
    – Tu vas d’abord nous suivre ! ta présence répondra de tes dires et si tu mens… Gare ! Je t’apprendrai vite qu’il n’est qu’un G de Rognonasse à Grognonasse.
    – Misère ! balbutia la proie du Gascon à la voix devenue blanche, je vais perdre mon emploi.
    – On t’en trouvera un autre et chez d’honnêtes gens encore ! répliqua avec un brin d’ironie méchante l’homme de main des Thésut.
    Il lâcha le misérable qu’il ne soutenait que par le col de sa souquenille. Celui-ci fut ressaisi dans sa chute par deux gaillards aux bras puissants, bâillonné, couvert d’une capuche, empoigné sous les aisselles. Aussitôt, sur un signe du faux maitre Jean, la petite troupe se mit en route.
    Braillant pour faire croire qu’ils sortaient d’une beuverie, ils traversèrent trois cours pleines de monde et atteignirent le porche du palais qui ouvrait sur la rue du Temple.
    Une escouade, composée d’à peu près dix soudards, gardait le seul vantail du grand portail qui fut alors ouvert. Son chef, un sergent à joues sales, anneau à l’oreille, mollets nus malgré le froid, arrêta les fuyards en se postant jambes écartées sur leur passage.
    – Oh là ! fit-il d’une voix de stentor… Personne ne sort après le couvre-feu.
    – Quel couvre-feu ? s’écria Rognonasse en singeant l’étonnement… Mes amis, enchaîna-t-il dans un geste tout juste fait pour découvrir le nombre de ceux qui le suivaient, avez-vous entendu quelque chose ?… Un tambour ?… Une cloche ?… Avez-vous seulement ouï dire qu’il fût interdit d’aller et de venir comme bon nous semblait dans le palais de notre maître ?
    – La consigne vaut pour tout le monde ! répliqua en fermant un œil une sorte de bohémien tenant lieu de cerbère… Les gueules ferrées n’ont nul pouvoir de s’en dispenser.
    Son autre œil, celui qu’il avait laissé grand ouvert, s’était mis à transpercer l’ombre.
    – Du calme, gentil barbu ! reprit le Gascon, affectant toujours des façons rigolardes, et cesse de te composer cette mine assassine pour t’adresser à tes compagnons d’armes !… D’ailleurs, que dirais-tu, gros malin, si je te révélais que nous sortons pour le service du duc ?
    – Je ne te croirais pas, maître-juré filou, répliqua le sergent d’un ton colère, tout le monde sait ici que lorsqu’on dépêche un messager la nuit, il sort par la porte Bombec.
    – Voyez ça !… La porte Bombec, se récria Rognonasse en invitant ses hommes à reculer.
    Et lorsque tous furent tapis dans l’ombre…
    – Que ne le disiez-vous plus tôt, compère ? s’opiniâtra-t-il de

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