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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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condescendance, je me suis laissé dire que vous n’aviez toujours pas vendu votre régiment… Nous sommes donc entre soldats.
    – Entre soldats, soit ! fit Saint-Simon en forçant son enjouement, alors dites-moi pourquoi vous faites si bon compte de votre dignité de duc, pourquoi vous méprisez…
    – Mépriser ! répéta Vendôme avec hauteur, je ne méprise rien ni personne. Je suis au plus indifférent… Les privilèges de la naissance auxquels vous vous attachez sont ceux du Moyen Âge. Ce sont là chimères aussi folles que rances… Mais pour le rang, monsieur le duc, faites-moi la grâce de vous ressouvenir que j’appartiens à la famille royale…
    – Bâtard ! répliqua pour soi Saint-Simon dont les lèvres tremblantes ne purent se retenir d’articuler les deux syllabes du mot terrible que Vendôme crut pouvoir lire distinctement pour sursauter.
    – Qu’entends-je ? fit-il en défouissant une oreille de sous son bonnet.
    – Je n’ai rien dit ! protesta le visiteur.
    – Mais je présume que vous vouliez me parler d’autre chose, enchaîna le duc resté hérissé comme un coq hardi, vous n’êtes pas homme à vous précipiter chez moi, en pleine nuit, pour m’abreuver de fariboles.
    – Si fait, monsieur le duc, avoua Saint-Simon, je venais vous donner un avis.
    – Quelle sorte d’avis ? demanda Vendôme redevenu goguenard, gratis ? Sans frais ?… Escomptable ?
    – Désintéressé et charitable, rectifia l’envoyé de monsieur Davignon qui paya d’effronterie en se composant la mine de quelqu’un capable de dévider l’écheveau des finesses.
    – Allez ! dites ! fit le cousin du roi, le nez à la piste, mais souvenez-vous que je n’entends la morale de bon cœur qu’à confesse !
    – Des personnes considérables s’apprêtent à déposer plainte à cause de la disparition d’un jeune homme… murmura Saint-Simon en rapprochant ses lèvres agiles du bonnet de son hôte.
    Vendôme, se reculant, éclata d’un rire affreux.
    – Voyons, Saint-Simon, je ne suis pas Gilles de Rais… Les mignons que j’invite n’ont jamais eu sujet de se plaindre. Ils repartent d’ici libres et avec des écus plein les poches.
    Le visiteur, que la réplique avait oppressé comme la senteur d’un brouet vénéneux, parvint à se ressaisir pour enchaîner d’une voix forte :
    – Il s’agit d’un garçon bien né, neveu de monsieur Davignon, le conseiller d’État… Il s’était mis en tête de venir vous montrer deux reçus qu’il détient à propos de l’affaire de Grandville qu’on a jugée hier.
    Le duc, à ces mots, devint statue.
    – Et alors ! fit-il au bout de quelques secondes, qu’ai-je à voir dans tout cela ? Si ce jeune homme a voulu me porter des papiers, ils sont sûrement chez mon concierge. On y fait deux fois l’an des feux de tout ce qu’on y dépose… Les billets anonymes, surtout, répandent lorsqu’ils brûlent un fumet délectable : c’est de la fiente qui vous pénètre par les pores.
    – Monsieur Davignon remuera ciel et terre pour retrouver son neveu, insista Saint-Simon.
    – Fasse Dieu qu’il y parvienne ! ajouta Vendôme en posant sur le dessus de sa main deux pincées de tabac, je l’aiderais volontiers si j’en avais loisir mais les affaires d’Italie m’appellent et je dois déjà songer à regagner Milan.
    – Un scandale peut encore être évité.
    – Que me chantez-vous là ? se récria en reniflant bruyamment ses prises le duc qui commençait de se rebrousser, qui craint le scandale ici ? Certainement pas le chef de la Maison de Vendôme car, coupable ou innocent, le cousin de Louis XIV ne saurait être inquiété… J’ai pour habitude de traiter mes affaires seul avec le roi et, fût-ce pour les beaux yeux de Ganymède, je ne me désaccoutumerai jamais de cela.
    – Mais la loi de Dieu, hasarda encore Saint-Simon désarçonné par la superbe effronterie du bâtard, y songez-vous par moments ?
    – Eh, quoi ! le ciel me tombe-t-il sur la tête maintenant que je vous parle ? répliqua Vendôme en prenant à témoin l’abbé de Chaulieu planté près de son fauteuil… Je vous écoute par politesse mais j’avoue trouver bien décousu votre ramage… Vous venez ici pour la première fois et c’est pour me parler de choses si subalternes et si dénuées d’intérêt, que j’ai bien de la peine à croire que ce puissent être là les préoccupations de celui qu’on prétend le plus éclairé d’entre tous nos ducs.
    – Comme il vous

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