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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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renforcé dans mon désir de faire front. Je m’étais depuis longtemps inquiété des causes de la férocité fiscale des États modernes ; puis j’ai réalisé un jour qu’ils poursuivaient tous un but démoniaque : anéantir les parties les plus faibles de la population en sélectionnant les sujets vigoureux par l’endurance à la famine.
    – Ce monstrueux impôt sur la vie, s’inquiéta Victor, ces droits que devra payer, m’avez-vous dit, chaque parent d’un nouveau-né pour pouvoir le faire inscrire sur les registres de paroisse, le roi y songe-t-il ?
    Le chevalier marqua un temps d’hésitation.
    – Je vous réponds ceci : même si on ne l’a pas mis encore en forme de règlement, cet impôt est dans la logique de ce que je viens de démonter devant vous. Nous y viendrons si nous ne résistons pas.
    – Expliquez-moi encore, chevalier, comment réussissez-vous à nourrir tous ceux qui sont ici ?
    – Vous touchez au point le plus hasardeux de mes entreprises, à l’angoisse de mes nuits mais aussi au miracle qui s’est renouvelé jusqu’ici chaque fois que le soleil a reparu. Depuis un an, nous devions notre subsistance à la générosité des habitants de la province ; un crime tel que celui de Bonis aura tari pour longtemps leur zèle. Restent le fruit de nos rapines et la protection de quelques illustres personnages. Ce que nous tirons des premières s’amenuise de jour en jour ; les riches fermiers se tiennent sur leurs gardes, ils arment leurs gens car ils savent que nous reculons devant la perspective de tueries fratricides. Cette difficulté nous fait nous éloigner jusqu’aux lisières du Berry et du Quercy, dans des contrées moins familières… Reste la bourse de nos mécènes et c’est ce qui vous surprendra sans doute le plus : ce sont des gens de haut parage, parfois de sang royal qui, pour satisfaire leur goût de l’intrigue ou distraire leur incurable ennui, nous apportent des soutiens qui se mesurent à l’aune de leurs prodigieuses fortunes. Un seul de leurs dons, c’est vingt nuits de pillage que nous ne ferons pas, des fatigues épargnées, du sang et des larmes que nous différerons de répandre. Vous me pardonnerez, à ce point de mon récit, de laisser comme dernier secret entre nous le nom de notre protecteur. L’amitié que je vous porte le pousse à mes lèvres mais je suis tenu au serment que madame de Gargilesse et moi avons fait de le taire. Il suffit que vous sachiez que nous étions, jusqu’au commencement de ce printemps, soutenus par cet homme connu de tous en France, mais, qui depuis plus de six mois ne nous a pas honorés de ses subsides. Pour la première fois, j’avoue me trouver empêché d’être en paix par n’être pas flatté de la sollicitude d’un puissant de ce monde et, à vous voir resurgir si inopinément d’ailleurs, l’idée m’est venue d’éprouver une nouvelle fois votre amitié : accepteriez-vous de vous charger d’une mission pour mon compte auprès des agents de mon protecteur amnésique ?
    – C’est avec joie, si je le peux, que je vous aiderai ! s’exclama Victor.
    – Je vous rassure… Il ne s’agira que de remettre une lettre à qui je vous dirai. Il faut passer par bien des intermédiaires avant de pouvoir joindre ce personnage au fond de ses palais et, si vous vous en tenez strictement à ce que je vous recommande, il n’y aura aucun risque pour vous.
    – Mais, chevalier, reprit Victor, ne craignez-vous pas, après l’affaire de Rignac, d’essuyer la fureur de monsieur de Gargilesse ?
    Maximilien esquissa un sourire.
    – Je connais le bailli : c’est une brute mais son défaut de cuirasse réside dans l’amour conjugal. S’il découvrait mon repaire et s’il se dirigeait ici, deux ou trois avis donnés à point de ne pas s’approcher davantage sans mettre en péril Anaïs le refroidiraient à coup sûr. De plus, dans un temps où les troupes ne sont pas suffisantes aux frontières, il n’aura jamais plus de cinq cents hommes à nous opposer, ce qui dans l’absolu n’est rien… Le marquis des Éperviers n’empêche toujours pas Versailles de courre le cerf ou danser la gavotte… Ah ! votre compagnon de table de l’auberge du Lion d’Or vous aura procuré bien des émotions. Il espère malgré tout ne pas vous laisser trop de désillusions.
    – Vous vous moquez, chevalier, protesta Victor, moi qui ne souhaiterais rien tant à cette heure que voir le temps aller à rebours, arriver fourbu à

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