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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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inattaquable qui ne peuvent germer que dans le cerveau d’une femme : elle imagina de se faire faussement ravir en profitant de l’éloignement de Rignac où je devais me rendre. Il fut convenu qu’elle m’y rejoindrait pour fuir l’aigreur de son mari après une dispute provoquée à dessein. Là, au cours d’une attaque de nuit où je devais tenir le double rôle du chevalier de Carresse et du marquis des Éperviers, mes lieutenants l’emmèneraient avec eux et je resterais sur place, blessé, pour témoigner du désastre.
    – Ainsi, s’exclama Victor parcouru d’un frisson, cette affreuse blessure, vous vous l’êtes infligée vous-même !
    – Ce n’est qu’une question de cran. Lorsqu’on se blesse volontairement, on garde le choix du siège de la plaie et la douleur reste la même. Je dois tout de même vous avouer qu’à Rignac, emporté par mon zèle, je me suis entaillé de bon cœur et que votre obstination à vouloir à tout prix me faire remonter jusqu’à vous, m’a été particulièrement pénible.
    – Ah ! si vous m’aviez mis dans votre confidence, se désola Victor.
    – Je ne vous connaissais, alors, pas suffisamment. J’avais besoin de témoins qui restassent muets jusque sous la torture… Je sais, depuis cinq minutes seulement, que votre courage se porte jusque-là !
    – Et notre hôte, qu’en avez-vous fait pendant que nous étions enfermés dans la Chambre du Trésor ?
    – Je ne vous ai pas confié l’essentiel… En arrivant à Rignac, je ne comptais trouver qu’un innocent témoin qui jouerait le même rôle passif que je vous avais assigné. Au lieu de cela j’ai découvert un prodigieux complice…
    – Monsieur de Rignac, votre complice !
    – J’ai différé avant-hier de vous conter son histoire… Rassurez-vous ! je ne vous ferai pas languir davantage.
    Sitôt cette promesse faite, Maximilien narra toute l’histoire du capitaine La Galoche. L’esprit de son jeune auditeur, aiguisé par la course des événements, s’emballait à mesure qu’il découvrait les angoisses et la générosité du père de Marie. Le récit de cette geste ouvrait de brusques brèches dans son imagination : c’était comme ces berceaux de verdure qui, dans les parcs, s’échappent à l’infini derrière des portiques taillés, pour faire dériver l’âme des promeneurs enclins aux rêveries. Il revit en songe le visage de celle qui avait répondu à ses premiers émois. L’aventure de son père la lui rendit, dans l’instant, plus chère.
    – Dites-moi encore, chevalier, reprit-il sans prendre le temps d’ordonner ses idées, cet endroit où nous nous trouvons, si étonnant et féerique, quel est-il ? Comment l’avez-vous découvert ?
    – C’est une ancienne mine d’or, connue dès le Moyen Âge et fermée après des siècles d’activité. Je m’y suis perdu, il y a dix ans, un soir d’hiver, en cherchant un certain château de Mirandol que je n’ai jamais pu trouver. Je n’ai cessé depuis de hanter cet endroit magique et, lorsque j’ai eu besoin d’un lieu retiré et sûr, j’y suis tout naturellement revenu établir mon repaire. Pour faire passer la folie de mes entreprises, il me fallait un tel gîte, propre à fouetter le galop des rêves et gonfler le levain du mystère.
    – Tous ces gens qui vous suivent, demanda encore Victor, qui sont-ils ?
    – Nos frères déracinés, repartit Carresse. La plupart n’ont jamais eu un liard en poche et pour ceux qui autrefois ont joui d’un maigre bien, les dettes contractées pour payer les tailles, les épidémies tombées sur les troupeaux, l’implacable infortune des saisons, sont, par saccades obstinées, venues à bout de leur maigre héritage.
    – Ils vous suivent aveuglément…
    – Aveuglément ? Non, bien sûr ! Ils me suivront autant que je leur procurerai du pain pour calmer leur faim et des aventures pour leur faire oublier leur misère. Dès que je faillirai, je le sais, je serai impitoyablement balayé, traqué, démasqué peut-être…
    – Et de si noirs pressentiments ne vous arrêtent-ils point ?
    – N’est-ce pas la loi des incendiaires que de trouver toujours plus boutefeux qu’eux ?
    – Le temps doit vous paraître bien rempli, occupé de la sorte par deux personnages.
    – Certes… Il y avait au départ un peu de farce dans tout ça, une sorte de pantomime jouée à la vacuité des jours, puis j’en suis venu à m’obséder d’une idée qui, en m’entraînant au vertige, m’a

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