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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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Limoges, le lendemain de notre arrivée, lorsque j’ai voulu clore une lettre que je destinais à mon père.
    Le chevalier prit un air épanoui mais modeste :
    – Écoutez comment tout se relie par le truchement de cet objet !… L’un des palefreniers de madame de Gargilesse est un gitan, remarquable par son habileté et sa fidélité. La fillette l’avait tout de suite distingué parmi les domestiques et s’en était fait sur-le-champ un allié. Lorsqu’elle s’est enfuie de chez les religieuses, c’est dans son galetas qu’elle est venue se cacher et c’est à lui qu’elle a montré le sceau qu’elle s’était approprié pour signifier qu’elle vous cherchait. Cet homme, qui venait de soigner votre jument dont la selle est marquée en plusieurs coins de la fougère de Gironde, a reconnu votre écu. Vous devez savoir que presque rien de ce qu’ils ont décidé n’est impossible aux bohémiens et qu’ils sont accoutumés à tenir pour sacrée la volonté de leurs mioches. Heureuse race que celle qui ose faire de ses enfants ses rois !… On savait par tout l’hôtel que vous étiez parti avec moi et que la baillive devait nous retrouver le lendemain à Rignac. Aussi, par un de ces sombres marchandages de gages qui sont la grande affaire à l’office des opulentes maisonnées, ce serviteur plein d’entregent s’aboucha-t-il avec le cocher qui devait conduire sa maîtresse hors de la ville. Ils roulèrent l’enfant dans une couverture et ils la jetèrent sur le toit de la berline… Je vous laisse à penser ce qu’a été ce voyage, exposé à la chaleur et aux secousses des chemins du Limousin.
    – Et si j’étais parti de Rignac, comme je l’avais prévu d’abord, en n’y passant qu’une nuit ? s’effraya Victor.
    – En ce cas, répliqua le chevalier, elle vous aurait couru après et elle vous aurait rattrapé sur votre route, au besoin même elle serait allée vous chercher dans Paris.
    – Comment diantre avez-vous pu réunir les pièces de cette mosaïque ?
    – Ce fut assez facile. Le cocher de madame de Gargilesse que nous avions, pour plus de vraisemblance, enlevé avec les laquais qui l’accompagnaient dans les fossés de Rignac, s’est laissé aller aux confidences depuis qu’il est ici. Il a révélé le marché fait avec le palefrenier et donné, pour preuve de ses dires, la description exacte du sceau que détenait la fillette.
    – Mais, ensuite, comment s’y est-elle prise pour me retrouver dans ce village si éloigné de tout ?
    – Mon cher ! répliqua le chevalier en dessinant un rond dans l’air à l’aide de son index tendu, il ne s’agit là que d’un de ces problèmes de comput dont nos maîtres nous rebattaient les oreilles… Pendant combien de temps en tout avez-vous été l’hôte de ce bon capitaine La Galoche ?
    – Trois soirées et deux journées entières, répondit Victor sans saisir l’intérêt de la question.
    – Parfait ! c’est exactement le délai qu’il faut à une enfant endurante pour aller à pied de Rignac jusqu’à l’endroit où vous l’avez trouvée… Le cocher l’a mise sur la route de Paris ; elle a marché ensuite sans presque s’arrêter. Elle dormait sûrement très peu, gardant un œil ouvert comme les chiens méfiants. Elle vous attendait chaque seconde, décidée, si vous étiez arrivé au galop, à se jeter en boule dans les jambes de votre monture.
    – Mon Dieu ! articula faiblement Victor.
    – Elle vous aura vu vous arrêter dans ce village où elle s’abritait et sera passée par quelque soupirail pour vous rejoindre… D’ailleurs, vous aurez la confirmation de ce que je viens de vous livrer en fouillant votre bagage dès que vous retrouverez votre jument.
    – Pourquoi ?
    – Vous y retrouverez votre sceau… Notre sauvageonne n’est pas une voleuse ; son larcin n’était qu’un subterfuge pour dire votre nom en place de sa langue coupée.
    Tant de limpidité balayant d’un coup tant de confusion laissa Victor pantois. Imaginant la figure réjouie de l’enfant qui, après tant de vicissitudes, attendait sagement dans la galerie, il partit d’un grand rire.
    – Et ce curé, enchaîna le chevalier avec sévérité, lui n’a rien pour m’émouvoir !… C’est à peu près Escobar 66 échappé de la jésuitière.
    Le jeune homme narra brièvement ses retrouvailles avec l’abbé, les sautes de son humeur, ses propos décousus qu’avait interrompus l’assaut des rebelles.
    – Sabre de bois !

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