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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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Mirdin, et l'urgence de
l'intervention remit à plus tard les actions de grâces.
    Rob, après la
tempête, dérivait sur une eau paisible. Sa guérison fut rapide et sereine comme
il l'avait observé chez les autres survivants. La faiblesse était normale après
une forte fièvre, en revanche son esprit retrouvait sa clarté et ne confondait
plus le passé et le présent. Il aurait voulu se rendre utile, mais ses gardiens
l'obligeaient à rester allongé.
    « La
médecine est tout pour toi, observa Karim un matin. Je le savais et c'est
pourquoi je n'ai pas fait d'objection quand tu as pris la direction de
l'équipe. J'étais furieux qu'on ait choisi Fadil. Sa réussite aux examens lui
vaut l'estime de la faculté, mais comme praticien c'est une catastrophe. Et
puis, il a commencé deux ans après moi, et le voilà hakim alors que je reste
étudiant.
    – Pourquoi
m'acceptes-tu alors, moi qui ai à peine un an d'études ?
    – Ce n'est pas
la même chose. Ta passion de guérir te met hors concours.
    – Je t'ai
observé pendant ces dures semaines, dit Rob en souriant. N'es-tu pas possédé de
la même passion ?
    – Non. J'ai
envie d'être un excellent médecin, c'est vrai, mais plus que tout je veux
devenir riche. La fortune n'est pas ton ambition, n'est-ce-pas ? Moi,
quand j'étais enfant, j'ai vu mon village pillé, réduit à la misère par l'armée
d'Abdallah Chah, le père du souverain actuel, qui marchait contre les Turcs
seldjoukides. J'avais cinq ans, nous mourions de faim. Ma mère a pris par les
pieds la fille qu'elle venait de mettre au monde et lui a fracassé la tête
contre les rochers. On dit qu'il y a eu des cas de cannibalisme et je le crois.
    « Mes
parents sont morts, j'ai mendié. Puis un ami de mon père, un athlète célèbre,
m'a élevé, m'a appris à courir, et a fait de moi son giton pendant neuf ans. Il
s'appelait Zaki-Omar. »
    Karim se tut
un long moment. Seuls les gémissements des malades troublaient le silence.
    « Quand
il est mort, j'avais quinze ans. Sa famille m'a jeté dehors, mais il avait
arrangé mon entrée à la madrassa et je suis venu à Ispahan, libre pour la
première fois. J'ai décidé que mes fils, quand j'en aurai, grandiront en
sécurité ; cette sécurité qu'assure la fortune. »
    Enfants,
presque aux deux bouts du monde, ils avaient donc vécu des catastrophes
comparables. Rob aurait pu avoir moins de chance, et le Barbier être tout
différent...
    L'arrivée de
Mirdin interrompit la conversation. Il s'assit par terre, de l'autre côté de la
paillasse. « Personne n'est mort hier à Chiraz.
    – Allah !
    – Personne
n'est mort ! »
    Rob les prit
tous deux par la main. Au-delà du rire et des larmes, ils étaient comme de
vieux amis après toute une vie passée ensemble. Ils se regardèrent en silence,
savourant leur bien-être de survivants.
    Plus de dix
jours après, Rob fut jugé assez fort pour voyager. Il faudrait des années pour
que les arbres repoussent à Chiraz, mais les gens commençaient à rentrer,
apportant quelquefois du bois de charpente. On voyait ici et là des
charpentiers poser des volets et des portes. C'était bon de laisser la ville
derrière soi et de repartir vers le nord. Arrivés devant chez le marchand
Ishmael, ils frappèrent sans obtenir de réponse.
    « Il y a
des cadavres par ici », dit Mirdin en fronçant le nez.
    Dans la
maison, ils trouvèrent les corps décomposés du marchand et de Hakim Fadil, mais
pas de trace d'Abbas Sefi, qui avait dû s'enfuir en voyant les autres atteints.
On récita des prières et on brûla les restes des pestiférés en dressant un
bûcher avec le coûteux mobilier d'Ishmael.
    Des huit qui
avaient quitté Ispahan, il n'en restait que trois au retour de Chiraz.

45. LE SQUELETTE DU MORT

 
    De retour à Ispahan, Rob eut d'abord l'impression d'une ville irréelle,
avec tous ces gens bien portants qui ne faisaient que rire ou se chamailler.
Ibn Sina fut attristé mais non surpris d'apprendre les désertions et les morts,
et reçut son rapport avec un vif intérêt. Pendant le mois que les trois
étudiants avaient passé à la maison du rocher d'Ibrahim, pour être certains de
ne pas rapporter la peste, Rob avait rédigé une relation détaillée de leur
travail à Chiraz. Il montrait clairement que les deux autres lui avaient sauvé
la vie et faisait leur éloge avec chaleur.
    « Karim
aussi ? » demanda brusquement Ibn Sina quand ils furent seuls.
    Rob hésita,
n'osant porter de

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