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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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carotte, qui restent incrustées dans la victime et
y continuent leurs ravages après la suppression de la masse principale. En
ouvrant l'abdomen des rats, j'ai trouvé l'orifice inférieur de l'estomac et la
partie supérieure de l'intestin entièrement colorés de fiel vert ; le
reste des intestins en était tacheté. Le foie des six rongeurs était ratatiné
et quatre avaient le cœur contracté. Dans l'un d'eux, l'estomac était pour ainsi
dire intérieurement à vif.
    Les mêmes
effets se produisent-ils dans les organes des victimes humaines de cette
peste ? Selon l'étudiant Karim Harun, Galien a écrit que l'anatomie
interne de l'homme est identique à celle du porc et du singe, mais différente
de celle du rat. Ainsi, dans l'ignorance des causes de la mort chez les
pestiférés humains, nous avons l'amère certitude qu'elles sont internes, donc
interdites à nos investigations.
    (signé)
    Jesse
ben Benjamin
    étudiant.
     
    En travaillant
à l'hôpital deux jours plus tard, Rob fut pris d'un malaise : lourdeur,
faiblesse dans les genoux, respiration difficile, brûlure intérieure comme s'il
avait mangé trop d'épices, ce qui n'était pas le cas. Ces sensations
persistèrent, s'aggravant dans l'après-midi. Il s'efforça de n'en pas tenir
compte jusqu'au moment où, devant le visage d'un malade congestionné, déformé,
aux yeux exorbités, il crut se voir lui-même. Il alla trouver Mirdin et Karim,
et lut la réponse dans leur regard. Avant de se laisser conduire à une paillasse,
il insista pour aller chercher le Livre de la peste , avec ses notes, et
les confia à Mirdin.
    « Si
aucun de vous ne devait survivre, il faudrait les laisser à quelqu'un qui
puisse les transmettre à Ibn Sina.
    – Oui,
Jesse », dit Karim.
    Rob se sentit
calme, comme si une montagne s'était retirée de sur ses épaules : le pire
était arrivé et l'avait délivré de l'obsession de la peur.
    « L'un de
nous reste avec toi, dit Mirdin sans cacher son chagrin.
    – Non, on a
trop besoin de vous ici. »
    Mais il les sentait
toujours attentifs et proches. Il résolut de suivre l'évolution de la maladie,
d'en distinguer mentalement chaque étape, mais il dut abandonner devant le
déchaînement de la fièvre et de maux de tête si lancinants que tout son corps
douloureux ne supportait même plus le contact et le poids des couvertures. Il
les rejeta.
    Le passé lui
revint en rêve : Dick Bukerel et la guilde des charpentiers, le combat
contre l'ours ou le Chevalier noir... Il fut réveillé le matin par les soldats
qui venaient enlever les cadavres de la nuit : une routine pour
l'étudiant, mais non pour le malade qu'il était devenu. Son cœur se mit à
battre, ses oreilles à bourdonner ; ses membres n'avaient jamais été si
pesants et le feu le dévorait.
    « De
l'eau ! »
    Mirdin
s'empressa mais, quand Rob se souleva pour boire, une douleur lui coupa le
souffle. D'où venait-elle ? Ils échangèrent un regard terrifié en
découvrant sous le bras gauche le hideux bubon d'un violet livide.
    –
Mirdin ! Ne l'incise pas, ne le brûle pas aux caustiques ! Tu me le
promets ?
    – Je te le
promets, Jesse », dit Mirdin, et il se précipita pour aller chercher
Karim.
    Ils dégagèrent
l'aisselle en maintenant le bras levé, lié à un pilier, et baignèrent le bubon
d'eau de rose en changeant les compresses aussitôt qu'elle refroidissait. Rob,
dans son délire, cherchait la fraîcheur à l'ombre d'un certain champ de blé,
baisait une bouche, un visage, se plongeait dans un flot de cheveux roux. Puis
il entendait des prières en persan, d'autres en hébreu et poursuivait machinalement :
« Ecoute, Israël... tu aimeras le Seigneur ton Dieu... »
    Il n'allait
pas mourir une prière juive aux lèvres ! Tout ce qui lui revint de son
enfance chrétienne fut un chant puéril : « Jésus-Christ est né... Il
est crucifié... Il est enterré. Amen. » Maintenant, son frère Samuel était
là, tel qu'il l'avait quitté. La douleur devenait effroyable.
    « Samuel !
Viens, allons-nous-en ! »
    Il y eut un
apaisement si soudain qu'il en fut saisi comme d'une nouvelle douleur. Il
s'interdit tout espoir et attendit. Enfin Karim s'approcha et s'exclama
aussitôt :
    « Mirdin !
Allah soit loué ! Le bubon s'est ouvert ! »
    Deux visages
souriants se penchaient au-dessus de lui, l'un sombre et beau, l'autre
quelconque mais d'une divine bonté.
    « Je vais
poser une mèche pour que le pus s'écoule », dit

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