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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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tranche de melon vert qu'il croqua sans
s'arrêter. Karim n'accepta qu'un peu d'eau dans sa toque et se la retourna sur
la tête où le soleil eut vite fait de la sécher. Ils dépassèrent le jeune
soldat, qui avait un tour de retard ; ses jambes fléchissaient à chaque
pas, il ne tiendrait pas longtemps. L'Indien, au contraire, courait avec
aisance, le visage attentif et presque détendu ; Karim le sentait plus
fort que lui, moins fatigué, peut-être plus rapide.
    Le chien, qui
ne les lâchait pas depuis plusieurs milles, fit un brusque écart et leur coupa
le chemin. Karim sauta pour l'éviter mais l'animal se jeta dans les jambes de l'Indien,
qui s'écroula, la cheville tordue, et resta assis sur la route, hébété, ne
pouvant croire à son malheur.
    « Vas-y !
cria Jesse. Continue, je m'en occupe. »
    Ce fut comme
un nouvel élan ; il commençait vraiment à y croire. Après avoir longtemps
suivi Al-Harat, il se trouva juste derrière lui rue des Apôtres, et le coureur
se retournant le reconnut : le giton de Zaki, se dit-il avec un regard de
mépris, et il allongea sa foulée.
    « Vous
n'êtes plus que quatre, dit Mirdin quand Karim prit sa septième flèche. Il y a
d'abord un Afghan, puis un homme d'al-Rayy nommé Mahdavi ; enfin al-Harat
et toi. »
    Les premiers
étaient hors de vue ; habitués à l'air raréfié de leurs montagnes, les
Afghans se fatiguaient moins que d'autres à basse altitude. Mahdavi passait aussi
pour un bon coureur. Pourtant, ans la descente de l'avenue des Mille-Jardins,
un concurrent malheureux pleurait au bord de la route en se tenant le côté, et
Jesse annonça que c'était Mahdavi.
    Karim
souffrait de nouveau. L'appel du muezzin pour la troisième prière l'arrêta au
début du neuvième tour ; il craignait ce moment car le soleil commençait à
baisser et la chaleur intense l'oppressait. Il repartit mais, cette fois, sans
changer son rythme, il rattrapa al-Harat comme il aurait fait d'un homme au pas.
Parvenu à sa hauteur, il entendit son souffle bruyant, son effort
désespéré ; il titubait, vaincu par la chaleur. Le hakim connaissait ce
cas : on pouvait en mourir si le visage devenait apoplectique et la peau
sèche. Al-Harat était pâle et trempé de sueur, mais Karim s'arrêta près de lui
quand il le vit abandonner.
    « Cours,
salaud ! » lui cria l'autre, qui préférait encore voir gagner un
Persan.
    Il ne restait
plus devant Karim qu'une petite silhouette, au loin, gravissant la longue
montée. L'Afghan tomba puis se releva et disparut dans la rue des Apôtres. Au
bout de l'avenue Ali-et-Fatima, ils se retrouvèrent beaucoup plus proches.
L'homme tomba encore ; il était habitué à l'altitude de ses fraîches
montagnes, mais pas à la chaleur impitoyable d'Ispahan. Karim le rejoignit
après sa quatrième et dernière chute. C'était un gaillard aux yeux bridés, qui
haletait comme un poisson hors de l'eau ; on lui appliqua des linges
mouillés et il regarda calmement son concurrent le dépasser.
    Karim
ressentait plus d'angoisse que de fierté. Certes, il avait gagné mais,
maintenant, il fallait choisir. Le fameux calaat était-il à sa portée, avec ses
cinq cents pièces d'or et les fonctions honorifiques de chef des chatirs ?
Aurait-il la force de compléter les cent vingt-six milles en moins de douze
heures ? C'était assez d'en avoir fait quatre-vingt-quinze dans la
journée ; il pouvait rendre ses neuf flèches, recevoir l'argent du prix et
rejoindre les autres coureurs qui se baignaient dans le Fleuve de la Vie, pour
jouir de leur envie et de leur admiration. Le soleil était bas sur
l'horizon ; n'était-il pas trop tard pour faire encore trente et un milles
avant l'appel de la troisième prière ? Pourtant, il le savait : plus
que la conquête de toutes les femmes du monde, c'est cette victoire complète
qui le délivrerait à jamais du souvenir de Zaki-Omar.
    Quand il prit
une nouvelle flèche, au lieu de se tourner vers la tente officielle, il
entreprit son dixième tour. La route blanche de poussière s'ouvrait devant lui,
vide. Il courait seul désormais contre le sinistre djinn d'un homme dont il
avait espéré être le fils et qui avait fait de lui sa catin.
     
    Les
spectateurs avaient commencé à se disperser, mais ils comprirent en le voyant
passer qu'il tentait la plus dure épreuve et lui adressèrent une immense
acclamation d'enthousiasme et d'amour. Il aperçut devant l'hôpital les visages
rayonnants de fierté

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