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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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Benjamin devait mourir. Peut-être les ordres
étaient-ils déjà donnés : il serait abattu dans la rue par des inconnus, ou
arrêté et condamné par un tribunal islamique.
    Ibn Sina
connaissait depuis des années les méandres de l'esprit royal et savait ce qu'il
fallait faire. Il réunit ce matin-là son équipe au maristan.
    « Nous
avons appris qu'à Idhaj certains patients ne sont pas en état de voyager
jusqu'ici », dit-il. Ce qui était vrai. « C'est pourquoi, Jesse ben
Benjamin, tu dois aller là-bas donner une consultation pour les soigner. »
    Ils
discutèrent ensuite des herbes et des drogues qu'il emporterait, des
médicaments qu'on pouvait se procurer sur place et du passé médical des malades
qu'ils connaissaient. Puis Jesse partit sans tarder.
    Idhaj était à
trois jours de voyage au sud ; la consultation durerait au moins autant.
C'était plus qu'il n'en fallait à Ibn Sina pour agir. L'après-midi suivant, il
se rendit au quartier juif.
    Mary ouvrit la
porte, l'enfant dans ses bras. Surprise et confuse de voir sur son seuil le
prince des médecins, elle se ressaisit vite, le fit entrer avec courtoisie,
offrit des gâteaux et du sherbet d'eau de rose à la cardamome. Il n'avait pas
prévu l'obstacle de la langue : elle ne connaissait que très peu de mots
persans. Il aurait voulu lui dire tant de choses : les dons de son mari,
l'intérêt passionné que lui avait inspiré ce jeune étudiant étranger, manifestement
créé par Dieu pour devenir médecin.
    « Ce sera
une lumière. Il est presque prêt, il s'en faut de peu. Mais tous les rois sont
fous ; pour qui a le pouvoir, il n'est pas plus difficile de prendre une
vie que de donner un calaat. Si vous fuyez maintenant, vous le regretterez
toute votre vie ; il a déjà tant osé. Je sais qu'il n'est pas juif. »
    Mary était de
plus en plus tendue. Il essaya de parler hébreu, turc, arabe, grec, sans
succès. Bien qu'érudit et linguiste, il connaissait peu les langues européennes.
Essayant enfin le latin, il la vit réagir.
    « Rex te
venire ad se vult. Si non, maritus necabitur.
    – Quid
dicas  ? Que dites-vous ? » demanda-t-elle.
    Il répéta
lentement en latin : le roi voulait qu'elle vienne, sinon son mari serait
assassiné.
    Elle le
regardait fixement, laissant l'enfant s'agiter dans ses bras. Mais sur ce
visage de pierre, Ibn Sina perçut la force qui l'habitait et son inquiétude
cessa. Il se chargeait de tout et elle ferait ce qu'il fallait.
     
    On vint la
chercher en chaise à porteurs. Ne sachant que faire de Rob J., elle le prit
avec elle, et les femmes du harem furent enchantées de l'accueillir. On la
conduisit aux bains, non sans gêne ; Rob lui avait dit que c'était une
obligation religieuse pour les musulmanes de supprimer leurs poils pubiens tous
les dix jours à l'aide d'un dépilatoire à la chaux et à l'arsenic. Les
aisselles étaient épilées ou rasées chaque semaine pour une femme mariée, tous
les quinze jours pour les veuves et une fois par mois pour les vierges. On la
regarda avec dégoût.
    Après le bain,
les femmes lui présentèrent trois plateaux de fards et d'aromates. Elle ne prit
qu'un peu de parfum. Il lui fallut ensuite attendre dans une pièce à peine
meublée : un large lit, des coussins, une cuvette pleine d'eau sur un meuble.
Des musiciens jouaient quelque part. Le temps passant, elle eut froid et
s'enveloppa d'une couverture.
    Ala vint
enfin. Elle était terrifiée. Et il sourit en la voyant emmitouflée. Puis, d'un
doigt impatient, il lui ordonna de se découvrir et d'ôter sa robe aussi. Elle
se savait plus mince que la plupart des Orientales, et les Persanes avaient
tenu à lui dire que les taches de rousseur étaient un châtiment d'Allah pour la
femme sans pudeur qui ne portait pas le voile.
    Il toucha les
lourds cheveux roux, les porta à ses narines et fit la grimace car ils
n'étaient pas parfumés. Il parlait en persan, peut-être pour lui-même, sans
qu'elle osât faire un geste qui aurait pu être mal interprété. Intrigué par sa
toison de poils roux, il la froissa entre ses doigts comme pour essayer d'en
effacer la couleur.
    «  Henna  ? »
    Cette fois,
elle comprit et tenta vainement de lui dire que ce n'était pas du henné. Il ôta
son unique vêtement, une tunique vague en coton. Il avait les bras musclés, le
torse épais et un gros ventre, velu comme le reste du corps ; le pénis
semblait plus petit que celui de Rob et plus brun.
    Dans la chaise
à

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