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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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porteurs, Mary avait un peu rêvé : elle le suppliait de lui épargner le
péché d'adultère et, touché par ses larmes, il la renvoyait chez elle. Ou bien,
élue entre toutes par un amant surnaturel, elle éprouvait la jouissance la plus
voluptueuse de sa vie. Rien de tout cela dans la réalité. Il toucha à peine la
pointe de ses seins raidie par le froid et la poussa sur le lit. La peur et la
répulsion pour l'homme qui avait voulu tuer son mari défendaient son corps
qu'aucune caresse n'avait échauffé. Ala manquant de vigueur finit par asperger
d'huile avec irritation le sexe de cette femme inerte aux yeux fermés. II ne
s'était pas lavé et la besognait médiocrement en gémissant comme s'il
s'ennuyait. Très vite, après un léger sursaut et un grognement fort peu royal,
le roi des rois fila sans un regard ni un mot.
    Humiliée, ne
sachant que faire, elle se refusait à pleurer. Les femmes vinrent enfin la
chercher pour rendre à son fils et la renvoyer chez elle en chaise à porteurs,
avec un sac de melons verts. En arrivant au Yehuddiyyeh, elle voulut les
laisser au bord de la route puis y renonça. Les melons du marché ne valaient
rien car, conservés tout l'hiver dans des grottes, ils étaient souvent gâtés.
Ceux-ci étaient superbes, mûrs à point pour le retour de Rob, et d'une saveur
exceptionnelle.

64. LA JEUNE BÉDOUINE

 
    Etrange .
Entrer au maristan, ce lieu frais et sacré, avec ses odeurs de maladies et de
médicaments, ses gémissements, ses cris, son affairement, faisait toujours
battre le cœur de Rob. Entrer au maristan et découvrir derrière soi, comme des
petites oies suivant leur mère, toute une file d'étudiants. On le suivait, lui,
qui, hier encore, suivait les autres.
    Ecouter un
étudiant faire l'historique d'un cas, s'arrêter près d'un malade pour parler
avec lui, l'examiner, flairant la maladie comme le renard un œuf, en cherchant
à déjouer les ruses de ce sacré Chevalier noir. Enfin discuter en groupe des opinions
souvent sans intérêt, parfois géniales. Un enseignement pour les étudiants et
pour Rob une chance, au cours de tels échanges, de découvrir une conclusion qui
aurait pu lui échapper.
    A la demande
pressante d'Ibn Sina, il donna des cours, qui furent suivis, mais il ne se
sentit jamais à l'aise, transpirant sur des exposés laborieusement préparés,
conscient de son personnage de grand Anglais au nez cassé et de son accent,
même maintenant qu'il parlait couramment. Il écrivit aussi un court article sur
le vin dans le traitement des blessures, mais n'en tira aucun plaisir, même
quand, terminé et transcrit, l'essai fut déposé à la bibliothèque. Il savait
qu'il devait transmettre son savoir comme on le lui avait transmis, mais Mirdin
avait tort : Rob n'avait pas d'ambition. Il ne s'instruisait que pour
éclairer son action. Le défi, pour lui, chaque fois qu'il prenait les mains
d'un patient, c'était cette même magie qu'il avait ressentie quand il avait
neuf ans.
     
    Un matin, une
jeune fille nommée Satira arriva au maristan, amenée par son père, un fabricant
de tentes bédouin. Très malade, elle avait des nausées, vomissait et souffrait
de douleurs violentes dans la partie droite du ventre, qui était dure au
toucher, C'était le « mal de côté » qu'on ne savait toujours pas
soigner. Elle gémissait et pouvait à peine répondre aux questions que lui
posait Rob dans l'espoir de découvrir enfin une piste. Il la purgea, essaya les
cataplasmes chauds, les compresses froides, et en parla le soir à sa femme en
lui demandant de prier pour elle.
    Mary
s'attrista de ce qu'une adolescente fût frappée du même mal que James Cullen.
Et elle pensa aussi à la tombe délaissée de son père, près de l'oued d'Ahmad, à
Hamadhan.
    Le lendemain
matin, Rob fit une saignée à la jeune Bédouine, lui donna des drogues et des
herbes, mais tout fut inutile. Fébrile, les yeux vireux, elle se fanait comme
une feuille après la gelée. Le troisième jour, elle mourut.
    Il reprit
soigneusement les détails de sa courte vie. Bien portante jusqu'aux
douloureuses crises qui l'avaient tuée, c'était une fille de douze ans qui
venait tout juste d'avoir ses premières règles... Qu'avait-elle de commun avec
un petit garçon et un homme d'un certain âge comme son beau-père ?
Pourtant, tous trois étaient morts exactement de la même façon.
     
    La brouille
entre Ala et son vizir devint en quelque sorte officielle lors de l'audience du
chah.

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