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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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les endroits où ils pourraient encore chercher trace des
autres enfants.

14. LEÇONS

 
    Un jour de juin, ils étaient couchés au bord d'un ruisseau à regarder les nuages,
en attendant que les truites mordent à leurs hameçons ; mais les cannes de
saule, posées sur deux branches en Y plantées en terre, ne bougeaient pas.
    « La
saison est trop avancée pour que les truites se laissent abuser par nos mouches
en plumes, dit le Barbier. Dans une quinzaine, quand les champs seront pleins
de sauterelles, le poisson sera vite pris.
    – Comment les
mouches mâles font-elles la différence ?
    – Les mouches
doivent se rassembler dans le noir, comme les femmes, grogna le maître
ensommeillé.
    – Mais les
femmes ne sont pas pareilles ! Chacune a son odeur, sa saveur, son
toucher, su sensibilité.
    – C'est bien
le vrai prodige qui séduit les hommes. »
    Rob se leva et
alla chercher dans la charrette un carré de pin sur lequel il avait dessiné à
l'encre un visage de femme.
    « Vous la
reconnaissez ?
    – C'est la
fille de la semaine dernière, à Saint-Ives. Pourquoi as-tu mis cette vilaine
tache sur sa joue ?
    – Elle y
était.
    – Avec ta
plume et ton encre, tu pouvais la faire plus jolie qu'en réalité. Elle l'aurait
sans doute référé. »
    Rob fronça les
sourcils, troublé sans savoir pourquoi.
    « En fait
je l'ai dessinée après son départ.
    – Mais tu
l'aurais aussi bien fait devant elle ? »
    Rob haussa les
épaules et le Barbier s'assit, tout coup réveillé.
    « Il est
temps que nous tirions parti de ton talent », dit-il.
    Le lendemain,
chez un scieur de bois, ils firent couper des disques minces dans le tronc d'un
jeune hêtre et, pendant la représentation de l'après-midi, Barbier annonça que
son assistant ferait le portrait d'une demi-douzaine de personnes du pays. Ce
fut la ruée. La foule se pressait autour de Rob pour le voir mélanger son
encre. Il possédait et métier et savait observer ; il dessina une vieille
sans dents, deux jeunes aux joues rondes... Mais seul le dernier portrait lui
sembla réussi : il avait saisi la tristesse de ce visage d'homme
vieillissant. Sans hésiter, il ajouta la verrue sur le nez, et le Barbier ne
protesta pas car les modèles étaient ravis.
     « Pour
six flacons de Spécifique, un portrait gratuit ! » annonça-t-il, et
une longue file se forma devant l'estrade, où Rob s'absorbait dans son travail.
    Deux jours
plus tard, à la taverne de Ramsey, le Barbier se fit remarquer en avalant coup
sur coup deux pichets de bière sans reprendre haleine, avant roter comme le
dieu du tonnerre. Puis il demanda si l'on connaissait une certaine Della
Hargreaves. Le patron haussa les épaules et secoua la tête.
    « C'était
le nom de son mari ; après sa mort, elle est venue ici voilà quatre ans
vivre avec son frère », précisa le Barbier.
    Le patron
semblait déconcerté.
    « Oswald
Sweeter, lui souffla sa femme qui apportait une nouvelle bière.
    – Ah
oui ! C'est la sœur de Sweeter », dit le mari, prenant l'argent de
son gros client.
    Ce Sweeter
était le forgeron du pays, massif et tout en muscles.
    « Della ?
Je l'ai traitée comme ma propre fille, mais elle ne faisait rien de ses dix
doigts. Ça ne pouvait pas durer : elle nous a quittés au bout de six mois.
    – Pour aller
où ?
    – A Bath.
    – Qu'est-ce
qu'elle fait à Bath ?
    – La même
chose qu'ici quand on l'a mise dehors. Elle est partie avec un homme, comme un
rat.
    – A Londres,
où elle était notre voisine, elle avait bonne réputation, dit Rob, qui pourtant
ne l'avait jamais aimée.
    – Eh bien, mon
jeune monsieur, ma sœur, aujourd'hui, c'est une rien du tout, qui se vendrait
plutôt que de gagner son pain. Vous la trouverez chez les putains. »
     
    Un matin,
après une semaine de pluie, ils s'éveillèrent par un jour si doux et si
lumineux que les tristes souvenirs furent oubliés.
    « Un
monde neuf où se promener ! » dit le Barbier.
    Entre deux
éclats de corne saxonne, ils chantèrent à pleine voix dans les chemins
forestiers où alternaient le chaud soleil et l'ombre fraîche des feuillages.
    « Qu'est-ce
que tu désires plus que tout ? demanda tout à coup le Barbier.
    – Des armes,
répondit Rob sans hésitation.
    – Je ne
t'achèterai pas d'armes, dit le maître, qui avait perdu son sourire.
    – Pas une
épée, mais une dague, car nous pouvons être attaqués.
    – Les voleurs
de grand chemin y regarderont à deux fois avant de

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