Le médecin d'Ispahan
connaissait
le chemin. Il frappa à la porte, qu'elle ouvrit aussitôt, et faillit lâcher son
paquet quand elle lui prit les mains pour l'attirer dans la maison.
« Rob !
Laisse-moi te regarder. Comme tu as changé en deux ans ! »
Il aurait
voulu lui dire qu'elle était toujours la même mais il resta muet : elle
gardait ses cheveux noirs et son beau regard lumineux. Avec l'infusion de
menthe, il retrouva sa voix et se mit à raconter de long en large tout ce qu'il
avait vu et fait.
« Quant à
moi, dit-elle, cela va mieux. La vie est moins difficile et les gens dépensent
plus volontiers pour s'habiller. »
Alors il se
rappela pourquoi il était venu et montra l'étoffe.
« Espérons
qu'il y en aura assez, car tu es plus grand que le Barbier. Je vais te faire
une culotte, une veste large et un manteau. Tu seras mis comme un
prince. »
Quand elle eut
pris ses mesures il resta encore un moment, hésitant à partir.
« Ton
maître t'attend ? Non ? Il est l'heure de manger. Tu partageras mon souper
de campagnarde. »
Elle sortit un
pain de la huche et l'envoya sous la pluie chercher dans la réserve du fromage
et un pichet de cidre doux. Ils mangèrent, burent et parlèrent en bonne amitié.
« Le
temps se gâte, ça sent la neige. Tu ne vas pas partir comme ça ? »
Il sortit
reporter à la réserve ce qui restait de fromage et de cidre, et la trouva au
retour en train de retirer sa robe.
« Il ne
faut pas garder tes vêtements mouillés », dit-elle en se mettant au lit.
Nu, il la
rejoignit en frissonnant.
« Tu
avais plus froid que ça quand tu me cédais ta place dans le lit du Barbier.
Pauvre enfant sans mère, je t'aurais bien pris avec moi.
– Je me
souviens de votre main dans mes cheveux... »
Il la sentait
de nouveau, maintenant, qui explorait son corps.
« Voilà
ce que tu dois faire... légèrement... patiemment. »
Malgré le
froid, il repoussa les couvertures et découvrit les larges cuisses.
« Vite... »,
commença-t-elle, mais il avait trouvé a bouche, qui n'avait rien de maternel.
Il n'eut pas besoin d'autres instructions. « Dieu, se dit-il, est un bon
charpentier. » Elle avait une chaude et active mortaise et lui un solide
tenon.
Après avoir,
pendant tant d'années entendu d'autres faire l'amour – ses parents dans leur
petite maison, puis le Barbier et ses drôlesses –, il découvrait enfin, dans un
bouleversement de joie, quel abîme il y avait entre l'observation et la
pratique.
Le lendemain
matin, on frappa à la porte. Editha courut ouvrir, pieds nus.
« Il est
parti ? demanda le Barbier.
– Depuis
longtemps ! Il a bafouillé quelque chose... la source à nettoyer... je ne
sais quoi. Il 'était endormi homme et s'est réveillé enfant ! »
Le Barbier
sourit.
« Tout
s'est bien passé ? »
Elle
acquiesça, avec une surprenante réserve, et ailla.
« Bien,
dit-il, en tirant de sa bourse quelques pièces qu'il posa sur la table. C'est
pour cette fois seulement. S'il revient... »
Elle secoua la
tête.
« J'ai
rencontré ces derniers jours le compagnon d'un fabricant de charrettes. Un
brave homme, qui une maison à Exeter et trois fils. Je crois qu'il veut
m'épouser.
– Et as-tu dit
à Rob de ne pas suivre mon exemple ?
– Je lui ai
dit qu'après boire vous n'étiez qu'une brute. Moins qu'un homme.
– Je ne
t'avais pas demandé de lui dire cela.
– C'est mon
expérience. J'ai dit aussi que son maître se détruisait avec la boisson et les
putains. »
Il écoutait
avec gravité.
« Il
n'aurait pas supporté que je vous critique, ajouta-t-elle sèchement. Il m'a dit
qu'à jeun vous étiez un homme sage et un maître excellent qui savait se montrer
généreux. »
Alors il s'en
alla et, comme elle se recouchait, elle l'entendit siffler.
« Les
hommes sont quelquefois un soutien, plus souvent des sauvages, mais toujours
des énigmes », se dit-elle avant de se rendormir.
13. LONDRES
Charles Bostock avait l'air d'un dandy plus que d'un marchand, avec ses longs cheveux
blonds noués d'un ruban, son habit de velours rouge, couvert de poussière à
cause du voyage, et ses souliers pointus en cuir souple, apparemment peu faits
pour un dur labeur. Mais dans son regard, une lueur froide trahissait le
marchand âpre au gain. Il montait un grand cheval blanc, au milieu d'une troupe
de serviteurs solidement armés contre les brigands. Il se divertissait en
bavardant avec le barbier-chirurgien, qu'il avait
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