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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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salle était si
pleine qu'il ne restait même plus de place sur le sol. Assis dans un coin
sombre, un homme épuisé serrait contre lui un gros ballot comme ceux des
marchands. Si Rob n'était pas allé à Malmesbury, il ne l'aurait pas remarqué,
mais au caftan noir et au chapeau de cuir, il reconnut un Juif.
    « C'est
par une nuit pareille que Notre-Seigneur fut mis à mort », dit-il d'une
voix forte.
    Les
conversations baissèrent quand il commença raconter la Passion car les
voyageurs aiment les histoires. On lui apporta à boire. Au moment où la
populace avait nié que Jésus fût le roi des Juifs, l'homme las sembla se tasser
davantage. Lorsqu'on en arriva au calvaire, il avait déjà repris son ballot
jour s'enfoncer dans la nuit et la tempête. Alors, Rob se tut et alla s'asseoir
à sa place, au chaud, mais il n'éprouva pas plus de plaisir à chasser le
marchand qu'il n'en avait eu à faire boire au Barbier la cuvée spéciale. La
salle puait la laine humide et les corps crasseux ; il en eut bientôt la
nausée. Sans attendre l'accalmie, il quitta l'auberge et rejoignit ses bêtes.
    Il détela
Cheval dans une clairière et prit dans la charrette du petit bois sec pour
allumer le feu. Un matou miaula, peut-être attiré par Mme Buffington, et Rob
lui jeta un bâton tandis que la chatte blanche venait se frotter contre lui.
    « On fait
un beau couple de solitaires », lui dit-il.
    Assis devant
le feu, il poursuivait un soliloque, s'en prenant à la chatte, à lui-même et à
Dieu : dût-il y passer sa vie entière, il trouverait un médecin pour
l'instruire. Peut-être l'admettrait-on s'il se faisait passer pour Juif ?
Mais comment être assez convaincant pour affronter quotidiennement un maître
juif ? Ou ne pourrait-il se faire assez juif pour convaincre les
musulmans ? Pour étudier avec plus grand médecin du monde ?
    Etourdi par
cette idée, il laissa tomber la chatte, qui sauta dans la carriole puis revint
en traînant une sorte de fourrure : la barbe fausse qu'il portait pour
jouer le Vieux.
    « Je
serai un faux Juif ! hurla-t-il. Je crache sur les prêtres voleurs
d'enfants ! »
    Il suffirait
de se laisser pousser la barbe. Il était déjà circoncis. Il prétendrait avoir
grandi loin des siens, comme les enfants de Merlin, ignorant tout de leur
langue et de leurs traditions. Il irait jusqu'en Perse ! Il fréquenterait
les Juifs en chemin, apprendrait leurs manières. Et, à Ispahan, il toucherait
l'ourlet de la robe d'Ibn Sina, qui lui ferait partager les secrets de la
médecine arabe...

DEUXIÈME PARTIE

Le long voyage

22. LA PREMIÈRE ÉTAPE

 
    La plupart des bateaux à destination de la France partant de Londres, Rob
rejoignit sa ville natale, en s'arrêtant tout le long du chemin pour
travailler : il se lancerait dans cette aventure avec le plus d'or
possible. Quand il arriva, le temps de la navigation était passé et sur la
Tamise hérissée de mâts toute une flotte restait à l'ancre : drakkars du
roi Canute, bateaux de pêche, luxueuses galères des riches, bâtiments de
transport et de commerce, voiles latines et caraques italiennes, longs
vaisseaux des marchands du Nord... Pendant six mois de gel et de tempêtes,
aucun marin ne risquerait sa vie dans les eaux tourbillonnantes où se
rejoignent l'Atlantique et la mer du Nord.
    Au Hareng, un cabaret
du port, Rob se leva et cogna sur la table avec sa chope de cidre.
    « J'ai
besoin d'un logement propre et confortable en attendant de prendre la mer au
printemps, dit-il. Qui en connaît un ? »
    Un homme
trapu, bâti comme un bouledogue, l'observait en hochant la tête.
    « Mon
frère Tom est mort au dernier voyage, et sa veuve, Binnie Ross, reste avec deux
enfants. Si vous la payez bien, elle peut vous loger. »
    Rob lui offrit
à boire, puis le suivit jusqu'à une petite maison près du marché d'East Chepe.
Binnie était un bout de femme avec des yeux bleus au regard inquiet dans un
visage pâle et menu. L'endroit était assez propre mais exigu.
    « J'ai
une chatte et une jument, dit Rob.
    – La chatte
sera la bienvenue, répondit la femme qui, manifestement, avait besoin d'argent.
    – Vous pouvez
faire garder le cheval pendant l'hiver, il y a les écuries d'Egglestan rue de
la Tamise, dit le beau-frère.
    – Je les
connais. »
     
    « Elle va
avoir des petit », remarqua Binnie Ross en prenant la chatte pour la
caresser. Rob, qui ne s'était aperçu de rien, pensa qu'elle se trompait.
    « Comment
le

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