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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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domaine abbatial d'une douzaine de maisons groupées ;
des hommes, juifs sans doute, vêtus comme des corbeaux de caftans noirs et de
chapeaux de cuir en forme de cloches, s'affairaient à construire une étable.
Rob mena sa charrette dans une vaste cour pleine de chevaux et de voitures.
    « Isaac
Adolescentoli ? demanda-t-il à un des garçons qui s'occupaient des bêtes.
    – Il est au
dispensaire », répondit le gars en attrapant prestement la pièce que lui
jetait le barbier pour être sûr que Cheval serait bien traitée.
    Sur les bancs
de la grande salle d'attente, toutes les misères humaines semblaient
représentées. De temps en temps, par une petite porte qui donnait sur d'autres
pièces, un homme venait chercher le premier patient et tout le monde avançait
d'une place. Il y avait cinq médecins : quatre jeunes et un petit homme
vif, d'âge moyen, qui devait être Adolescentoli. Rob attendit longtemps, en
observant les malades pour s'exercer au diagnostic.
    Son tour vint
enfin.
    « Je veux
voir Isaac Adolescentoli, dit-il au jeune médecin qui s'adressait à lui avec
l'accent français.
    – Je suis un
de ses élèves et je peux vous soigner.
    – C'est pour
une autre affaire que je dois rencontrer votre maître. »
    Un peu plus
tard, Adolescentoli vint le chercher. Dans un couloir, une porte était
entrouverte sur une salle d'opération avec un lit, des seaux, des instruments.
Ils entrèrent dans une petite pièce meublée d'une table et de deux chaises.
    « Quel
est votre problème ? »demanda le maître.
    Il parut
surpris d'entendre Rob parler non de symptômes, mais de son désir
d'étudier ; son beau visage sombre n'eut pas un sourire. Peut-être
l'entretien aurait-il tourné autrement si le jeune barbier l'avait mené avec
plus de prudence. Mais il ne put s'empêcher de demander :
    « Vivez-vous
depuis longtemps en Angleterre ? Vous parlez si bien notre langue.
    – Je suis né
dans cette maison. En 70 avant
J.-C., Titus ramena de Jérusalem, après la destruction du Temple, cinq jeunes
prisonniers juifs, qu'on appela les adolescentoli, ce qui veut dire
" jeunes " en latin. Je suis le descendant de l'un
d'eux ; engagé dans la deuxième légion, il débarqua dans cette île où
vivaient de petits hommes noirs qui étaient les premiers Bretons. »
    Rob parla de
sa rencontre avec Merlin, ne mentionnant que ce qui touchait l'enseignement
médical.
    « Avez-vous
aussi étudié avec le grand médecin d’Ispahan ?
    – J'ai
fréquenté l'université de Bagdad, qui est plus importante. Sauf que nous
n'avions pas Avicenne, qu'ils appellent Ibn Sina. Mes élèves – trois de France
et un de Salerne – m'ont préféré à Avicenne ou quelque autre Arabe. A défaut de
la grande bibliothèque de Bagdad, je possède un ouvrage, Le Livre du médecin ,
où ils peuvent étudier tous les remèdes selon la méthode d’Alexandre de
Tralles, et des écrits latins de Paul d'Egine et de Pline. Avant la fin de leur
formation, tous sauront inciser une veine, une artère, poser cautère et opérer
une cataracte. »
    Rob fut saisi
d'un désir irrésistible, comme celui qu'on peut avoir d'une femme.
    « Je suis
venu vous demander, dit-il, de me prendre comme apprenti.
    – Je m'en
doute bien, mais c'est impossible.
    – Et je ne
peux pas vous convaincre ?
    – Non. Il faut
trouver vous-même un médecin chrétien, ou rester barbier », répondit
Adolescentoli sans rudesse mais avec fermeté.
    Peut-être ses
raisons étaient-elles les mêmes que celles de Merlin mais Rob n'en sut rien car
ils en restèrent là. Le médecin se leva, le reconduisit à la porte et le
regarda partir sans un mot.
     
    Deux étapes
plus loin, à Devizes, un jeune pêcheur de Bristol vint le consulter : il
urinait du sang et avait beaucoup maigri.
    – Je pense que
vous avez une tumeur dans le corps, mais je n'en suis pas sûr, et je ne sais
pas comment vous soigner ni soulager vos souffrances. »
    Le Barbier lui
aurait vendu bon nombre de flacons.
    « Ce
n'est que de l'alcool bon marché », ajouta-t-il sans savoir pourquoi. Il
n'avait dit cela à aucun patient.
    Le jeune homme
le remercia et s'en fut. Adolescentoli ou Merlin auraient su quoi faire,
eux ! songea Rob avec amertume. Les lâches ! Ils refusaient de
l'instruire. Et le Chevalier noir ricanait.
    Ce soir-là, le
2 septembre, surpris par un violent orage, il entra se réfugier à l'auberge et
attacha Cheval dans la cour, à l'abri d'un grand chêne. La

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